Fidel Castro 1926-2016

Publié le 29 Novembre 2016

Fidel Castro 1926-2016

Ce 25 novembre 2016 disparaît l'une des grandes figures de la Guerre Froide et des révolutionnaires de la seconde partie du XXème siècle. Entre émotion et délivrance, les réactions furent plurielles à l’événement. Dictateur, assassin, libérateur, « commandante », différents adjectifs sillonnent le parcours de l'ancien président de Cuba. Parler de Fidel Castro, c'est parler d'une histoire nationale, celle de Cuba et de sa politique, d'une histoire internationale, celle de la Guerre Froide, de ses conséquences, et de la notre, communistes, pays voisins, contemporains. Souffrant d'une image bien noire il est important de comprendre notre monde pour comprendre qui était Fidel Castro, l'homme qui a tenu en respect les États-Unis.

 

1. Quand une révolution nationale devient continentale

La Révolution Cubaine qui débuta en 1953 et s'acheva en 1959, fut bien plus qu'un soulèvement national. La République de Cuba qu'évincèrent Fidel Castro, Ernesto Guevara, Raul Castro était un régime loin d'être une démocratie. L'ancienne République de Cuba était à l'image de ces régimes d'Amérique Centrale ou d'Amérique Latine sous domination indirecte des nordaméricains. La révolution cubaine s'exporta hors de ses frontières territoriales et toucha de plein fouet l'Amérique du Sud faisant prendre conscience aux peuples de ces pays de l'impérialisme des États-Unis. Les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) sont les héritières de ce mouvement qui se démocratisa des années 50 à aujourd'hui en Amérique du Sud.

 

2. L'impérialisme policier et matérialiste des États-Unis

L'embargo que subit Cuba depuis 1962 soulève de nombreuses questions sur le rôle des États-Unis dans la Guerre Froide, mais également de nos jours. En effectuant ce blocus au nom de la lutte anti-communiste, les États Unis s'attaquèrent à l'un des droits fondamentaux de nos sociétés, peux importe nos opinions, peu importe nos origines : le droit des peuples à disposer d'eux mêmes. Ce blocus, recouvert du bouclier de la défense des libertés par le colosse américain cache une terrible vérité : à travers cette action les américains ont affamé le peuple cubain qui obtint son salut grâce à l'action de ses voisins sud-américains et, durant la Guerre Froide, des pays de l'ex-URSS. Ce blocus démontre aussi que les gouvernements états-uniens on tendance à imposer leur vision du monde aux pays du continent américain (voire au reste du monde). Comment espérer que son pays se développe lorsqu'il est asphyxié commercialement ?

 

3. Le régime cubain condamné pour « ses crimes »...

Le régime de Fidel Castro, ainsi que celui de son frère dans une moindre mesure, furent longuement condamnés par l'ONU et Amnesty International pour différents crimes, notamment l'assassinat des opposants politiques, contribuant à une image noire du castrisme et du communisme de manière plus générale. Il est étonnant pour un communiste d'être dénommé « assassin », notamment par les libéraux et capitalistes, dans la mesure où le communisme met l'humain et le social au centre de ses préoccupations et de son régime. Il est étonnant de voir l'engouement de certains pour les États-Unis, ce pays qui dans de nombreux Etats tolère encore la peine de mort, où le port d'armes est un droit fondamental, où durant ce qu'on nomma le maccarthysme une véritable « chasse aux sorcières » se déclencha envers les communistes dans le « pays des libertés » (l'an dernier un film sur Donald Trumbo éclairait le grand public sur la condition des communistes aux États-Unis durant la Guerre Froide). Certes, de nombreuses exécutions ont eu lieu sous Fidel Castro, amplifiées par une propagande capitaliste dans un contexte de Guerre Froide (notre vision européocentriste a tendance à voir plus facilement les défauts des autres que les nôtres). Deuxièmement, cela est toujours triste à dire et à expliquer, mais aucune révolution ne se fait pacifiquement : que ce soit nos révolutions Françaises (1789, 1830, 1848, 1870), ou les révolutions d'indépendance (Guerre d'Indochine, prolongée par la Guerre du Vietnam, Guerre d'Algérie, et tant d'autres).

 

4. Peu d'informations sur le développement du pays

Sous Fidel Castro, une politique sociale fut mise en œuvre, notamment en ce qui concerne l'éducation et la santé. Le nombre de médecins et de personnels enseignants s'est développé au cours des décennies qui ont suivi la prise de pouvoir par les révolutionnaires. Aujourd'hui les soins médicaux et l'enseignement sont gratuits pour la population cubaine. L'IDH (Indice de Développement Humain), se base sur trois facteurs pour classer les pays : la durée de vie des habitants, les connaissances, et la possibilité de jouir d'une vie décente. Au vue des conditions dans lesquels le pays a dû se développer au cours des dernières décennies, il est étonnant de voir ce pays atteindre la 67ème position, classant le pays dans le premier tiers du classement. Si nous comparons avec un pays européen comme l'Espagne, et un pays nord-américain comme les États-Unis, voyons si les politiques menées par Fidel Castro furent si catastrophiques au vue de son histoire. L’espérance de vie d'un cubain est en moyenne de 79,4, contre 82,6 pour un espagnol et 79,1 pour un états-unien. Concernant l'éducation, la durée attendue de scolarisation en année est de 13,8 pour un cubain, 17,3 pour un espagnol, 16,5 pour un états-unien. Concernant l'indice de développement de genre, Cuba est à 0,954, 0,975 pour les espagnols, 0,995 pour les États-Unis. En ce qui concerne l'emploi, il est de 54,4 pour les cubains, 43,3 pour les espagnols, 57,8 pour les États-Unis. Le dernier facteur est celui de l'écologie, les cubains n'émettent que 5,8 tonnes de dioxyde de carbone par habitant contre 17 pour les états-uniens (à l'heure ou l'environnement est au centre des débats).

Pour un pays qui a dû subir des conditions extrêmes de la part des États-Unis, son bilan peut être considéré comme positif.

 

5. Les médias et les cubains de Floride

A la mort de Fidel Castro une importante quantité de médias a relayé l'information selon laquelle de nombreux exilés cubains fêtèrent la mort de celui qui, pour des millions de personnes dans le monde, est le « commandante ». D'un point de vue éthique, il n'est jamais admirable de souhaiter la mort de qui que ce soit, car les communistes comme de nombreuses personnes sur cette planète pensent que tout homme a le droit de vivre. Deuxièmement, ils est important de dire que cette population est souvent issue des opposants politiques au régime castriste et de ce fait, l'objectivité peut être mise en doute sur ces personnes. Troisièmement et en parallèle du paragraphe précédent, ces migrations, notamment vers les États-Unis, nous invitent à nous pencher sur ce qui fait le bonheur de l'Homme. Un régime communiste rejette la société de consommation, notamment celle prônée par le capitalisme. Il considère que l'homme, le social et les relations humaines sont au centre de son développement et de son épanouissement. Il privilégie une vie plus simple (non pas plus morose), où relations et désirs sont en harmonie avec le développement de la société et en phase avec notre époque.

 

6. Fidel Castro, une image noire, comme tant d'autres figures

L'image de Fidel Castro, prônée par les modèles occidentaux, nous pousse à repenser nos propres figures, celles qui composent notre histoire. Quand nous voyons aujourd'hui le nombre de commémorations, notamment dans les pays dits du Tiers Monde, nous ne pouvons nous empêcher de repenser à ceux qui ont fait notre pays. Prenons l'exemple de Robespierre qui possède également une image noire en France. Aujourd'hui, avec de nouveaux travaux, il semblerait que ce personnage sorte de cette vitrine d'assassin dans lequel on l'a mis pendant de nombreuses années. Les images sont faites par les vainqueurs, par la propagande, par les modèles politiques de nos gouvernements. Aujourd'hui, nous sommes en droit de repenser l'image du révolutionnaire cubain, tout comme nous repensons l'image de nos révolutionnaires. Il est impensable d'associer à un seul homme (Fidel Castro) la responsabilité toute entière des problèmes cubains, tout comme il est impensable d'associer toutes les atrocités de la Terreur à Robespierre, surtout sans les recontextualiser, sans analyser les rapports de forces, en oubliant le fait que ces hommes, tout comme nous, sont des personnes qui rêvaient de liberté et qui avaient un idéal (l'un Rousseau, l'autre Marx). Les révolutions sont les faits non pas d'un seul homme, mais de tout un peuple !

 

7. L'héritage de Fidel Castro et de la Révolution Cubaine

Aujourd'hui, on considère que la Guerre Froide a disparu avec le Mur de Berlin en 1989, mais en est-il réellement ainsi ? Si l'on regarde les liens diplomatiques, ainsi que les hommes politiques qui ont rendu un hommage sincère à Castro (notamment en Amérique Latine, en Afrique, au Moyen et Extrême Orient), nous voyons que cette guerre n'est pas finie. La lutte des classes est toujours présente et on exploite, aujourd'hui plus que jamais, les pays dits du Tiers Monde (ceux avec qui Fidel Castro entretenait de nombreux liens diplomatiques). Fidel Castro nous laisse non pas un héritage matériel, mais idéologique, celui qui montre que la lutte continue, que malgré les propagandes, malgré les politiques nocives contre le prolétariat (qui s'est généralisé sur les continents, dans les couches des sociétés), il faut continuer le combat.

 

Citations d'un "assassin" :

« Que disparaisse la philosophie du pillage, et la philosophie de la guerre aura disparue » (Fidel Castro 26 septembre 1960, ONU).

« Le vote contre l'embargo américain démontre la nécessité de mettre fin au blocus [contre Cuba], mais aussi au système qui engendre l'injustice sur notre planète, dilapide les ressources naturelles et met en danger la survie de l'homme. » (Fidel Castro 26 octobre 2011, AFP).

 

Union des Etudiants Communistes de Strasbourg - cellule Palais U

Publié dans #International, #Mémoire, #Cuba

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