Répression contre les antifascistes à Bruxelles : le témoignage des militant-e-s communistes interpellé-e-s

Publié le 18 Décembre 2016

Répression contre les antifascistes à Bruxelles : le témoignage des militant-e-s communistes interpellé-e-sRépression contre les antifascistes à Bruxelles : le témoignage des militant-e-s communistes interpellé-e-s

Le samedi 17 décembre, les Jeunes Communistes du Bas-Rhin ont participé à la manifestation antifasciste à Bruxelles contre le congrès de l’APF (Alliance for Peace and Freedom), regroupement européen de plusieurs partis néo-nazis (notamment le grec Aube Dorée, l’italien Force Nouvelle, le belge Nation, l’espagnol Démocratie Nationale, l’allemand Parti National-Démocrate...). Nous avons participé à la manifestation pour faire vivre la solidarité internationale antifasciste, à l’heure où en Europe l’austérité ouvre les portes à la réaction et les violences des groupuscules fascistes se mulitiplient dans un climat d’autoritarisme d’Etat avec ses lois d’exception et les états d’urgence.

 

Après un rassemblement devant le siège de l’APF (square de Meeûs, Ixelles), protégé par plusieurs camionettes de police, une manifestation sauvage a commencé peu après 11h dans les rues du quartier européen de Bruxelles, malgré l’interdiction explicite venant du commissaire de police. Dès le départ du cortège, quelques abribus et vitrines de magasins ont été brisés. Remontant la manifestation de ses arrières, la police est alors intervenue sans sommation. Les manifestants ont été coursés pour quelques minutes, ensuite ils ont été nassés et les forces de l’ordre ont arrêté 56 d’entre eux dont trois militants de la Jeunesse Communiste du Bas-Rhin. Les arrestations se sont deroulées avec une violence inouïe. A titre d’exemple, pour ce qui est de nos militant-e-s : le premier a été jeté au sol par trois policiers, il a reçu des coups dans les jambes et un policier lui a donné un coup de genou sur le crane alors qu’il était déjà menotté, puis s’est servi de sa genouillère sur sa tête pour le garder au sol ; le deuxième a été jeté au sol à trois reprises et a reçu un coup brutal à la jambe, alors qu’il obtemperait aux ordres de la police et se dirigeait vers le point de rassemblement des personnes arrêtées ; le troisième a reçu un coup de genou dans la colonne vertebrale alors qu’il était déjà immobilisé, D’autres manifestants ont reçu des coups violents après leur immobilisation, notamment des coups de genou et de matraque dans le visage ; une jeune femme a par ailleurs été percutée violemment par une voiture de police, et elle a dû être transportée aux urgences avec une jambe cassée.

Les arrestations ont été faites de manière arbitraire, la police ne ciblant pas les auteurs des dégradations mais tout manifestant présent dans le cortège. L’abritraire a rejoint son paroxysme lorsque la police a plaqué au sol et menotté une femme dont on a découvert par la suite être une de leurs collègues, membre de la BAC bruxelloise.

Les interpellés ensuite ont été rassemblés tous au même endroit, disposés sur plusieurs rangs, assis les uns contre les autres. A ce moment là, des insultes ont été proférés à leur encontre : « connards », « bons à rien », « vous n’avez jamais travaillé de votre vie », « vous ne savez que tout détruire », etc. Plusieurs camionettes les ont ramenés au Commissariat de Bruxelles, puis ils ont été placés dans trois cellules de garde à vue et ont fait l’objet d’un véritable arbitraire policier. Alors que les hommes ont eu rapidement la possibilité d’aller aux toilettes, les femmes se sont vues refuser ce droit pendant longtemps. Elles ont été par ailleurs l’objet d’une infinité d’insultes à caractère sexiste : « salopes », « écartez vos jambes, de toute façon vous y êtes habituées », etc. Sans parler des insultes racistes qui ont été proférés à l’encontre d’un manifestant, appelé « Bamboula » par les policiers, ou des remarques méprisantes proférées à l’encontre des militants communistes (les policiers invoquent leur droit à rester en silence lorsqu’on leur demande pourquoi ils agissent de manière violente, mais n’ont évidemment aucun problème à faire preuve de leur anticommunisme). Pendant la fouille corporelle et la prise de photos, les policiers ont qualifié l’un de nos militants de « sale gauchiste, enculé » ; ils lui ont dit également « Tu sais lire des livres sans images ? Bizarre tu n’as pas fait d’études, t’es que boulanger ». Lorsque notre camarade a reproché à un policier d’être pareil aux policiers français en termes de violence, ce dernier lui a répondu tout simplement « Je vais te casser la gueule au point où ta mère ne te reconnaîtra pas, comme ça tu verras si on est pareil ».

L’imcompétence des policiers a été évidente lorsqu’il leur a fallu une bonne minute pour comprendre qu’un interpellé, ne pouvant s’exprimer qu’en anglais, avait besoin d’aller aux toilettes. Ou encore, lorsqu’ils ont ignoré une autre manifestante anglophone lorsqu’elle leur demandait de changer les SERFLEX (menottes type « bride plastique ») qui étaient beaucoup trop serrés autour de ses poignets et qui les avait rendu violets.

Nombre de règles de la procédure de garde à vue n’ont pas été respectées : s’agissant d’une garde à vue « administrative », les forces de l’ordre n’avaient pas le droit de prendre des photos des interpellés. Pourtant, après une première fouille corporelle et avant la notification du placement en garde à vue, ceux-là ont été conduits un par un dans un local où deux policiers cagoulés les ont obligés à être pris en photo en différentes positions, avec et sans les affaires qu’ils portaient en manifestation (notamment, pour permettre ensuite aux forces de l’ordre de reconnaître des éventuels auteurs des dégradations). Lorsque des interpellés ont protesté contre la prise de photo, les policiers ont affirmé qu’il s’agissait d’une garde à vue « judiciaire » et que donc ils étaient dans leur droit pour le fichage. C’est seulement après la prise de photo que tous les interpellés se sont vus notifier une garde à vue « administrative » (qui, en Belgique, permet de priver de liberté un individu pour une durée maximum de 12h, hormis les étrangers qui peuvent se voir prolonger la détention pour 12h supplémentaires). Tout les signes d’appartenance politique (drapeaux, badges, stickers...) ont été saisis, et cela avec d’autres remarques méprisantes.

Enfin, les interpellés ont été placés dans une autre série de cellules collectives, dépourvues de chauffage et d’horloge. Vers 16h, les interpellés ont été sortis un par un, placés dans des camionettes de police et accompagnés vers le centre-ville, les policiers les déposant par groupes à des endroits différents de la ville pour éviter un nouveau rassemblement. Mais heureusement, avant de partir, la police a fait preuve de son humanisme et a respecté enfin la procédure en nous offrant une gauffre et une bouteille d’eau !

 

Ce que nous retenons des événements de Bruxelles, c’est d’abord qu’une fois de plus les forces de l’ordre sont utilisées pour protéger les fascistes et réprimer et intimider ceux qui osent protester. Quant à la garde à vue, l’arbitraire de celle-ci reste sans équivoque : après les violences dans la rue, les mensonges, les insultes et le non-respect des procédures rendent légitime la question « qui nous protège de la police ? ». Dans ses prisons, la légalité bourgeoise montre toute son hypocrisie : les droits que l’on accorde aux interpellés ne sont que du crayon sur du papier, la volonté du policier est la seule loi. Cela relève aussi des mots que les policiers ont proféré lorsqu’ils nous enlevaient les SERFLEX ou nous conduisaient aux toilettes : alors qu’ils ne faisaient qu’appliquer l’un de nos droits de garde à vue, ils ne cessaient pas de répeter des phrases telles que « T’as vu comme on est gentils ? ». Un policier a par ailleurs répondu à une interpellée qui ne sentait pas bien et demandait de boire de l’eau, « Ce n’est pas parce que vous avez des droits que vous devez en demander ».

Concernant la manifestation, nous constatons que l’intervention policière a permis une fois de plus de détourner le débat sur la présence des néo-nazis dans nos villes, sur la mise à leur disposition de locaux. Enfin, nous trouvons regrettable que l’objectif premier de la manifestation (le blocage et la perturbation du congrès de l’APF) ait été délaissé si rapidement. Certes, la présence policière devant le siège de l’APF a été à l’origine du départ en manifestation sauvage, mais nous aurions préféré être arrêtés dans la tentative de bloquer le congrès plutôt que dans un cortège ayant perdu son véritable objectif. Une question à réflechir collectivement avec toutes les forces qui partagent l’objectif de massifier le mouvement antifasciste international à l’heure où la réaction monte en puissance en toute Europe.

 

Mouvement des Jeunes Communistes du Bas-Rhin et Union des Etudiants Communistes de Strasbourg

[Vidéo] La manifestation antifasciste de Bruxelles : https://www.youtube.com/watch?v=Hq3btTDYfmU

Témoignage féministe des arrestations du 17/12/2016, "Encore une fois la police nous confirme ce que nous pensons d'elle" : https://bxl.indymedia.org/spip.php?article12861&lang=fr

[Radio] Emission de Radio Onda Rossa dédiée à la campagne Bruxelles Zone Antifasciste, 22.12.2016 [version en italien] : https://soundcloud.com/user-552419704/radio-onda-rossa-redazionale-belgio-221216

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