8 Mars. Rétablir la vérité : une journée combative et révolutionnaire

Publié le 8 Mars 2018

8 Mars. Rétablir la vérité : une journée combative et révolutionnaire

C'est en 1910, durant la deuxième conférence de l'Internationale des Femmes Socialistes réunie à Copenhague, que Clara Zetkin, en qualité de présidente, propose d'organiser chaque année au mois de mars une Journée consacrée à la lutte pour les droits des femmes. La proposition est acceptée à l'unanimité et l’Internationale décide que l'objectif principal sera la lutte pour le droit de vote, jugé comme le droit le plus urgent à conquérir pour les femmes dans le système capitaliste. Plus précisément les femmes de l'Internationale comptent lutter pour un suffrage universel : il s’agit d’une grande nouveauté, puisque les organisations de femmes bourgeoises et libérales se bornaient le plus souvent de lutter pour un accès des femmes au droit de vote au suffrage censitaire. Clara Zetkin affirme l'importance de ce droit politique, qui permettrait de se rapprocher davantage des droits des hommes prolétaires afin de lutter côte à côte avec eux pour la révolution et la mise en place du socialisme.

 

L'Internationale des Femmes Socialistes fut créée en 1907, lors d’une conférence internationale à Stuttgart, par la socialiste allemande Clara Zetkin, ayant remarqué la nécessité d'un organisme féminin dans l'Internationale Socialiste[1]. Au début du XXème siècle, l’Internationale est composée d'organisations ouvrières et socialistes d'une vingtaine de pays différents, mais la présence masculine y est prépondérante et le caractère spécifique du combat contre l’exploitation féminine n’est pas saisi. L'organe international des femmes fut créé par la nécessité de s'organiser de manière autonome, du fait de la spécificité de l’exploitation féminine (la double journée de travail, par exemple), et de se doter de nouveaux moyens d'actions. Le but principal était de favoriser l’entrée et l’organisation des femmes prolétaires au sein de la lutte des classes. Ainsi, l’Internationale des Femmes Socialistes se dota de revendications spécifiques : le droit de vote, le droit au travail, l’amélioration des structures de santé (notamment au niveau de la maternité), la protection face aux travaux dangereux et la réduction du temps de travail.

En 1910, durant la deuxième conférence, la proposition de Zetkin va marquer un bond en avant dans le combat révolutionnaire. Dès l'année suivante, la Journée de lutte du mois de mars est soigneusement organisée par les femmes socialistes dans de nombreuses villes européennes, avec des taux de participation inédits et les ouvrières y sont en première ligne. Le 19 mars 1911 ont lieu ainsi les premières manifestations pour les droits des femmes : au Danemark et en Suisse principalement, mais aussi en Allemagne où 4.500 personnes défilent à Hambourg, et où 41 réunions publiques sont organisées à Berlin. En 1912 et en 1913, d’autres manifestations diverses sont organisées au mois de mars, notamment en Autriche, aux Pays-Bas et en Suisse, et des réunions publiques se tiennent en Allemagne et même en Russie.

Malgré le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914, malgré la trahison du devoir internationaliste de la part des directions des partis socialistes (votant les crédits de guerre et/ou rentrant dans les gouvernements d’Union sacrée), l’Internationale des Femmes Socialistes essaye de maintenir la cohésion et la solidarité entre les femmes prolétaires organisées dans les pays touchés par le conflit. C’est ainsi qu’une troisième conférence internationale se tient à Berne en mars 1915, dans un climat de forte répression : à cette occasion, les femmes socialistes déclarent leur détermination à occuper une place principale dans le combat pour la paix, tout en poursuivant la lutte pour obtenir de nouveaux droits et pour protéger les conditions de travail des femmes que la guerre a fait rentrer en masse dans les usines (pour remplacer la force de travail masculine partie se faire massacrer au front). Des nouvelles actions, publiques et clandestines, suivent la conférence de Berne. Des femmes socialistes engagées pour la paix connaissent alors l’emprisonnement, à l’égard de la Française Louise Saumoneau. Les mois de mars de 1915 à 1918 demeurent un moment majeur de l’expression des revendications féminines, malgré la guerre, la censure, la répression.

La Journée de lutte du mois de mars 1917 aura un poids déterminant dans le sort du mouvement ouvrier international, constituant l’étincelle de la Révolution russe de février 1917. C’est en effet une manifestation des ouvrières de Saint-Pétersbourg qui sonne le glas de la fin du tsarisme le 23 février : dans le calendrier julien, le 23 février correspond au 8 mars du calendrier grégorien. Réclamant d’abord du pain, le cortège d’ouvrières russes avance des slogans de plus en plus politiques : contre la guerre et pour la république. La Révolution de février ouvre la voie de nouveaux droits pour les femmes, notamment des droits politiques comme le suffrage féminin, reconnu en mai 1917 par le gouvernement provisoire. Après la Révolution d'octobre, les droits des femmes connaissent une évolution rapide en Russie et touchent plus particulièrement les conditions matérielles d’existence, des conditions du travail à la santé, la maternité, le divorce, l’avortement, etc. Sous l'impulsion des femmes soviétiques et de la nouvelle Internationale Communiste des Femmes (créée en avril 1920 et présidée par Zetkin), la date du 8 mars est adoptée officiellement en tant que Journée internationale de lutte pour les droits des femmes dès 1921.

 

Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de rétablir la vérité quant aux origines de la Journée du 8 mars, et de porter haut et fort l'héritage de l'internationalisme des femmes socialistes, puis communistes, face aux mensonges du féminisme bourgeois. L'héritage de cette Journée internationale est non pas celui de revendiquer la fin du patriarcat dans un système capitalisme, mais de lutter pour l'abolition des deux. Les femmes prolétaires doivent se lever le 8 mars pour affirmer une fois de plus que seule la révolution sociale et la construction du socialisme libérera la totalité des femmes. Cela, car aujourd’hui capitalisme et patriarcat ne peuvent pas fonctionner l’un sans l’autre : le capitalisme s’est imposé s’appuyant sur un patriarcat historiquement construit et profite de celui-ci pour asseoir la marchandisation des corps, la division genrée du travail, les inégalités salariales, etc. ; un utopique dépassement du patriarcat tout en restant dans le système capitaliste ne constituerait en rien une émancipation des femmes prolétaires, celles-ci continuant à subir une exploitation et domination de classe.

 

Pas de révolution sans les femmes ! Pas de lutte contre le patriarcat sans la lutte contre le capital ! Ce que nous voulons, c'est le renversement définitif de l'exploitation économique que nous subissons, et qui légitime aujourd’hui l’oppression patriarcale. Les femmes ne seront libérées que par la libération du travail, la fin de la division du travail et de la double journée de travail.

 

Suivant l’exemple de Clara Zetkin et des autres femmes de l'Internationale Socialiste, puis de l’Internationale Communiste, de Nadejda Kroupskaia, Louise Saumoneau, Angelica Balabanoff, Alexandra Kollontai, portons l’urgence d’un 8 mars revendicatif. Notre exigence immédiate : un salaire digne de notre travail !

 

Face aux mensonges, aux oublis volontaires de la bourgeoisie, qui nous fait croire que le 8 mars serait simplement un jour de commémoration ou de fête, il est impératif de réaffirmer la valeur revendicative, combative et révolutionnaire du 8 mars, d’actualité aujourd’hui comme en 1910. Reconstruisons un féminisme prolétaire et internationaliste, seul capable d’émanciper réellement toutes les femmes par le renversement du patriarcat et du capitalisme. Retrouvons-nous pour un 8 mars de lutte féministe révolutionnaire !

 

 

Mouvement des Jeunes Communistes du Bas-Rhin et Union des Etudiants Communistes de Strasbourg

 

 

[1] Créée lors du congrès international de Paris en 1889, appelée également Deuxième Internationale du fait qu’elle constituait la deuxième tentative de fédération internationale des partis ouvriers, après l’expérience de la Première Internationale (Association Internationale des Travailleurs) en 1863-1876 sous la direction de Marx et Engels.

Publié dans #Féminisme, #Mémoire

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