Commémoration du 8 mai 1945 : antifasciste et anti-impérialiste !

Publié le 8 Mai 2018

Commémoration du 8 mai 1945 : antifasciste et anti-impérialiste !

Discours prononcé à l'occasion du rassemblement de la JC 67 pour commémorer la Journée du 8 mai 1945 :

 

Nous sommes rassemblés aujourd’hui à l’occasion des commémorations du 8 mai 1945. Cette journée se veut la célébration de la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie. Mais pour les communistes, il s’agit d’aller au-delà des commémorations traditionnelles stériles, de critiquer l’histoire officielle et relever ses oublis. Aux commémorations à caractère militariste de cette journée, nous y opposons la dimension populaire, la dimension de classe de la victoire sur le nazi-fascisme. Aux célébrations de la France « libérée », nous rajoutons la commémoration des massacres que cette même France « libérée » a perpétré le jour même en Algérie sur les peuples qu’elle refusait de libérer, par une réaffirmation violente de son caractère colonialiste.

La victoire du 8 mai est surtout une histoire de résistance de la classe prolétaire, une histoire qui a commencé bien avant la guerre mondiale, dès l’installation des régimes nazi-fascistes. Le prolétariat et ses organisations dénonçaient depuis les années 20 le lien indissoluble entre le tournant autoritaire fasciste et le besoin de survie des bourgeoisies nationales. Ainsi, Antonio Gramsci relevait la mascarade du prétendu projet révolutionnaire fasciste, et définissait celui-ci comme un simple « subversivisme réactionnaire », comme une continuation de la politique libérale à coups de revolver et de mitrailleuse. De la même manière, Clara Zetkin démasquait le fascisme comme étant un châtiment infligé au prolétariat pour le punir des expériences révolutionnaires des années 1918-1921, pour l’empêcher de relever la tête à nouveau et entraver les vagues insurrectionnelles lancées par l’Internationale Communiste.

L’analyse des communistes a été confirmée par l’expérience historique des régimes nazi-fascistes. Lorsque Mussolini et Hitler, mais aussi Pétain et Franco, ont été mis à la tête de leurs Etats par les bourgeoisies respectives, leurs premières mesures ont été dirigées contre le prolétariat et leurs organisations : arrestations, meurtres d’Etat, exils, dissolutions de partis, de syndicats, de journaux, de Maisons du peuple. Sous les régimes nazi-fascistes, la bourgeoisie n’a jamais été aussi libre d’exploiter les ouvriers et les paysans. L’embrigadement des travailleurs dans le système corporatif et la mise en place du système à syndicat unique se voulaient une réconciliation de classe dans le cadre de la « troisième voie » fasciste, mais n’ont finalement fait que les intérêts du patronat. Celui-ci a pu jouir de la plus grande liberté de rallonger les journées de travail, de baisser les salaires, de licencier. Il a pu disposer de mesures d’isolement social et de répression des chômeurs. N’oublions pas non plus que les fascismes ont continué la politique coloniale inaugurée par les libéraux et atteignant au XIXème siècle le stade impérialiste le plus violent au service des monopoles capitalistes. Et que cette politique coloniale a été justifiée par une pensée raciste intrinsèque au fascisme, permettant les horreurs des massacres ethniques et du génocide des populations juives.

Face à la violence des régimes fascistes, la classe prolétaire et ses organisations ont répondu présent et ont préparé rapidement la riposte, par les actions clandestines, les grèves sauvages, ou encore par la création de Fronts populaires pour prévenir le danger fasciste. L’échec de ces Fronts, l’expansionnisme de l’Allemagne nazie et la Seconde Guerre mondiale ont déclenché une résistance antifasciste à l’échelle internationale. Cette résistance a été une affaire de classe, en France comme en Italie, dans les Balkans comme en URSS. En France, c'est bien les fils et filles du peuple et de la classe ouvrière qui ont affronté, les armes à la main, l'occupant nazi, les miliciens fascistes, le régime de Vichy. Pour les communistes, il n’y avait aucun doute sur la nécessité d’organiser la lutte armée et le sabotage de la production allemande, aucun doute sur la nécessité d’être en première ligne au prix de leur propre vie. L’histoire officielle oublie que le 17 juin 1940, soit la veille de l’appel du général de Gaulle, c’est le PCF clandestin que, par la voix de Charles Tillon, lance le premier appel à la résistance contre le fascisme hitlérien, contre la guerre voulue par les capitalistes, pour un gouvernement populaire et pour la libération des travailleurs. L’histoire officielle oublie que déjà en juillet 1940 les communistes installent des Comités populaires dans les usines, organisant à la fois les grèves revendicatives, la résistance contre les syndicats vichystes et les sabotages de la production de guerre. L’histoire officielle oublie que le premier groupe de résistance universitaire est fondé par les communistes Jacques Decour, Georges Politzer et Jacques Solomon en septembre 1940. Ce groupe initie l’une des premières manifestations antifascistes pendant la guerre, celle du 11 novembre 1940. Près de 3.000 lycéens et étudiants se gardent alors la tête haute face à l’armée allemande. Les jeunes dirigeants communistes connaissent la répression, les arrestations, les tortures, les exécutions sommaires, mais ils n’ont jamais baissé les bras et ont continué à s’organiser non seulement dans la lutte armée clandestine, mais aussi dans les Comités contre les déportations. Par l’organisation indéfectible des communistes, les groupes de résistance armée fleurissent partout en France et passent rapidement à l’action, sans attendre d’intervention providentielle états-unienne ou gaulliste. En août 1941, le groupe du colonel Fabien s’attaque à un officier allemand et marque le véritable début de la résistance armée à l’intérieur.

C’est parce que c’est le prolétariat et les communistes qui ont initié et été en première ligne de la Résistance que la violence nazi-fasciste s’est acharnée de manière impitoyable contre eux. Au cours de la résistance antifasciste, plus de 100.000 travailleurs, cheminots, mineurs, électriciens, dockers ont donné leur vie pour une France libre du fascisme et de la dictature ouverte des capitalistes ! Nous n'oublions pas non plus les centaines de communistes et syndicalistes victimes de la grande rafle du Vel’ d’Hiv d'août 1942 opérée par les autorités nazies.

Nous n’oublions pas non plus les communistes et les syndicalistes qui ont animé la Résistance dans l’Alsace-Lorraine annexée et qui ont été emprisonnés, déportés, torturés, exécutés. Nous rendons hommage à Marcel Rosenblatt, membre du comité central du PCF et syndicaliste, déporté au camp de Dachau de 1941 à 1945. Nous rendons hommage à Charles Lutz, militant communiste et syndicaliste à Illkirch-Graffenstaden et à Hagondange, lieutenant dans les Brigades internationales durant la guerre d'Espagne, arrêté et fusillé le 4 décembre 1942 à proximité du Struthof. Nous rendons hommage à Georges Wodli, membre du comité central du PCF et dirigeant de la fédération des cheminots de la CGTU, qui a su reconstruire le Parti communiste d’Alsace-Lorraine et déclencher la lutte armée en Moselle avec le Groupe Mario et en Alsace avec le Réseau Wodli. Arrêté par la police de Vichy en octobre 1942, il est livré à la Gestapo et transféré au camp nazi de Schirmeck. Humilié, battu et torturé à de nombreuses reprises par la Gestapo à Strasbourg, il meurt de ses sévices dans sa cellule rue Sellénick le matin du 2 avril 1943, sans n’avoir dénoncé aucun de ses camarades.

Nous rendons également hommage aujourd’hui aux femmes du prolétariat qui ont été sur tous les fronts dans la Résistance : engagées à la fois dans la lutte armée clandestine, dans le travail de logistique, de ravitaillement et de liaison entre les différents groupes partisans. Nous rendons hommage aux manifestations de ménagères initiées dès 1940, aux femmes engagées dans les Comités populaires du PCF clandestin. Nous rendons hommages à Marguerite Durrmeyer, militante chez les Jeunes communistes en Moselle, membre du groupe Mario, arrêtée, torturée puis déportée par les nazis.

Malgré le révisionnisme historique et les mensonges officiels sur la Résistance, nous affirmons haut et fort que c'est bien le prolétariat qui a mené le plus dur combat sur le sol français durant toutes les années d'occupation et jusqu'à la Libération ! Nous réaffirmons également le rôle fondamental de l'Union Soviétique, du Parti Communiste bolchevik d'URSS et de l’Armée Rouge dans la victoire finale contre le nazi-fascisme et pour la libération de toute l'Europe. Pour les franges libérales, démocrates-chrétiennes, gaullistes et socialistes prétendument antifascistes et qui ont participé à la résistance, il s’agissait de rétablir l’ordre républicain, l’ordre capitaliste sans dictature manifeste.

Pour une large partie des communistes, il s’agissait de conjuguer la résistance antifasciste au renversement du système de classe. Mais cet esprit de la véritable résistance, cet antifascisme complet visant à se débarrasser tant du fascisme que de ses causes, a été étranglé par les élites politiques d’après 1945, par l’instrumentalisation du discours d’unité nationale et de reconstruction, par les intrigues géopolitiques de la Guerre froide. C’est ainsi que le Conseil national de la résistance n’a jamais pu statuer sur la libération des colonies du joug colonial. C’est ainsi que l’Etat français a pu, le jour même de la Libération, réaffirmer sa domination coloniale la plus violente. Le 8 mai 1945, et les jours qui ont suivi, entre 30.000 et 45.000 Algériens ont été assassinés par l'armée française et les colons lors des grandes manifestations pour l'indépendance de l'Algérie à Sétif, Guelma et Kherrata. Pour défendre son profit et ses sordides intérêts, la bourgeoisie française - qui s'était illustrée dans la collaboration - et ses représentants au gouvernement - dont le Général de Gaulle - ont noyés dans le sang les aspirations légitimes du peuple algérien, dont les enfants avaient pourtant donnés leurs vies et leurs bras pour la libération de l'Europe et la défaite du fascisme. Par ces massacres, la France a voulu faire oublier la capitulation de 1940, se réaffirmer aux yeux du monde comme une puissance intacte par sa domination coloniale, et ainsi préparer les guerres coloniales des années 50 et 60. La France a toujours construit sa richesse grâce au pillage des colonies et l'exploitation de ses travailleurs. C'est pourquoi les capitalistes ont refusé l'indépendance des colonies et ont envoyé l'armée française contre les travailleurs algériens afin d’empêcher ce peuple d'accéder à son indépendance. C’est pourquoi nous rendons hommage aux martyrs de l’indépendance algérienne, et particulièrement aux communistes algériens et français qui ont donné leur vie dans ce combat.

Les massacres de mai 1945 et plus largement la guerre d'Algérie posent encore problème à la bourgeoisie française, hypocrite et criminelle. Les crimes commis en Algérie restent pour la plupart impunis. Ce n'est que dans les années 90 qu'on arrête de parler « des événements en Algérie » pour avouer qu’il y a eu une « guerre d’Algérie », une guerre contre le peuple algérien. Ce n'est que très récemment qu'on a commencé à réellement parler en France des massacres de 1945 et de l'utilisation de la torture. C’est seulement en 2015 qu’un représentant du gouvernement français s’est rendu à Sétif lors d’une commémoration officielle des massacres. Aujourd'hui encore les capitalistes tentent, avec leurs politiques, d'attribuer quelque rôle civilisateur à la colonisation française en Algérie et ailleurs. La bourgeoisie falsifie l'histoire afin que ses crimes et tortures restent impunis !

Aujourd’hui, la commémoration de la résistance prolétaire antifasciste et des massacres coloniaux de l’Etat français restent plus que jamais d’actualité. Et ce, parce que la lutte antifasciste, la lutte anticoloniale et anti-impérialiste sont indissociables de la lutte contre le capitalisme, de la lutte pour l’émancipation des classes laborieuses, contre l’asservissement des Etats au pouvoir des monopoles et du capital financier. Le fascisme tout comme le colonialisme sont des produits du capitalisme à son stade impérialiste, un capitalisme qui part à la conquête guerrière des marchés étrangers et répand la misère et la pauvreté dans les masses laborieuses et populaires.

Aujourd’hui, les néofascismes relèvent la tête partout dans le vieux continent, banalisés par les politiques autoritaires et antisociales imposées par l’Union européenne et appliquée avec zèle par les différents gouvernements. Encore, des mouvances fascistes occupent directement des postes de gouvernement comme en Hongrie et en Ukraine, et ce avec l’appui logistique de l’UE et de l’OTAN. Hier la Société de nations et les autres institutions de l’internationalisme bourgeois étaient impuissantes face à la montée des fascismes ; aujourd’hui, de la même manière, l’Union européenne et les institutions du capitalisme financier n’ont aucune véritable envie de combattre le néofascisme, puisqu’elles savent qu’à un moment donné elles pourraient avoir besoin de celui-ci pour briser les grèves, diviser les prolétaires et museler les mouvements sociaux. En France, ce sont l’état d’urgence quasi permanent, la destruction du Code du travail et des services publiques, la répression antisyndicale, la politique anti-migrants, qui ouvrent les portes au fascisme sans besoin que celui-ci soit au pouvoir. La bourgeoisie a beau à se scandaliser de l’escalade des violences néofascistes, mais c’est elle qui a créé et qui alimente encore le fascisme. Devons-nous rappeler l’inaction des préfectures face à l’ouverture de bars identitaires dans plusieurs villes françaises ?

Aujourd'hui, malgré les « décolonisations », le colonialisme n'a pas disparu, il a simplement changé de méthode. La France, quelle que soit la couleur de son gouvernement, continue d'exercer son pouvoir sur ses anciennes colonies en s'assurant de leur dépendance, à l’image de la Françafrique, et n'hésite jamais à utiliser la force afin de garantir aux capitalistes le contrôle des matières premières et les profits. Encore, la France continue d’appliquer une gestion policière néocoloniale dans les quartiers prolétaires à forte population migrante : au nom de la prétendue lutte contre le terrorisme et la criminalité, c’est le racisme d’Etat que les gouvernements successifs alimentent. Devons-nous rappeler les dizaines de crimes policiers racistes qui restent impunis à l’heure actuelle ?

Alors, camarades, se commémorer les crimes passés c'est combattre les crimes présents ! Se commémorer la résistance passée c’est continuer la résistance présente !

Hommage aux morts du fascisme et du colonialisme, hommage aux morts de la dictature du capital !
Vive le 8 mai antifasciste et anti-impérialiste !
Vive la solidarité internationaliste de classe !

 

Mouvement des Jeunes Communistes du Bas-Rhin

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