La Gare de Strasbourg n’est pas à vendre ! Mettons en échec les plans de Pepy et Macron, défendons le service public ferroviaire !
Publié le 19 Septembre 2018
La direction de la SNCF s’apprête à brader la Gare de Strasbourg sous couvert d’un plan de rénovation de ses locaux devant débuter en mai 2019. Dans l’avant-projet, la SNCF prévoit de fermer quatre guichets de l’espace vente de la Gare centrale, ainsi que les trois bureaux de vente du quai de Paris. A la place des guichets fermés, c’est un Salon Grand Voyageur flambant neuf qui va s’installer, et qui sera réservé bien sûr aux seuls titulaires de la carte de fidélité Grand Voyageur. Un restaurant de haute gamme pourrait également ouvrir dans ce salon. Quant au reste des locaux de la Gare centrale, la SNCF envisage de les louer à des prestataires de services, notamment des nouveaux commerces mais aussi des laboratoires d’analyses médicales et des crèches privés.
Ce projet est mortifère, tant pour les usagers que pour les travailleurs de la SNCF !
Les usagers vont subir une nouvelle remise en cause du service public du transport, et donc du droit à la mobilité. La SNCF justifie cette politique par une volonté de « s’adapter à l’évolution de la demande », c’est-à-dire s’adapter au fait que de plus en plus de monde achète son billet en ligne. Mais le vrai besoin, pour les usagers, ne concerne pas la modalité d’achat, mais la qualité de ce que l’on achète. En effet, on peut disposer de tous les moyens technologiques possibles, mais s’il y a de moins en moins de train, si leur qualité se dégrade, si les billets sont de plus en plus chers, le compte n’y est pas. En outre, le site internet de la SNCF et son application pour smartphone ne sont pas en mesure de répondre à toutes les exigences possibles des voyageurs : seul un agent de guichet le peut, comme par exemple pour les réclamations et les abonnements. La présence d’un agent est aussi fondamentale pour certaines catégories d’usagers, notamment les personnes à mobilité ou visibilité réduites, les étrangers et les touristes, les personnes âgées qui sont moins à l’aise avec les nouvelles technologies.
Côté salariés SNCF, le projet de la direction inaugure des nouvelles dégradations des conditions de travail. Faciliter l’achat de billets en ligne c’est une bonne chose en soi, mais la SNCF utilise cet argument comme un prétexte pour faire des économies. L’excuse des nouvelles technologies sert une fois de plus pour supprimer des emplois et, par conséquent, des services. Rappelons qu’au mois de juillet la SNCF a adopté un projet similaire à Paris, en vendant 66 % de la Gare du Nord au groupe Auchan pour une durée de 46 ans afin de transformer cette gare en un énorme monstre commercial : la première conséquence de ce projet a déjà été le licenciement de 108 agents SNCF. Pour l’instant, le flou règne pour les salariés strasbourgeois. Certains agents seront reclassés à l’accueil sur les quais, d’autres seront déplacés sur des postes vacants disponibles (mais hors Strasbourg), d’autres encore pourront demander un plan de départ volontaire. Comme le relève la CGT, avec ce genre de projets la gare de demain ce sera « moins de guichets, moins d’humain et du service bâclé ».
Les usagers ont besoin des trains plus fréquents et moins chers. Les salariés réclament des bonnes conditions de travail. L’adaptation technologique ne rentre pas en contradiction avec ces exigences légitimes, et peut aller de pair avec une meilleure qualité du service. Seulement la direction de la SNCF est convaincue du contraire. Et ce n’est pas un hasard : à l’heure de l’offensive néolibérale et de la mise en concurrence des services publics, la SNCF entérine jusqu’au bout les logiques d’entreprise capitaliste. Son objectif premier n’est plus d’assurer un service accessible et de qualité, mais de réaliser des profits. La stratégie est classique : la bourgeoisie d’abord dégrade volontairement la qualité d’un service public, puis en attribue la faute aux « travailleurs paresseux et privilégiés », et enfin en profite pour justifier soit une privatisation soit une fermeture pure et simple.
La SNCF de Guillaume Pepy, soutenue par le gouvernement néolibéral de Macron, adhère de manière enthousiaste à cette stratégie de longue haleine de destruction de tout ce qui avait été conquis par le mouvement ouvrier, à cette stratégie désastreuse de soumission des services fondamentaux aux lois comptables de la rentabilité privée. La réforme ferroviaire de 2018 et ses attaques au statut des cheminots en sont un exemple. La bourgeoisie, son gouvernement et la direction de la SNCF – le tout dans le cadre des contre-réformes du rail imposées par l’Union européenne – ont formé une Sainte Alliance pour adopter un « Nouveau Pacte Ferroviaire » dont les conséquences sont néfastes :
- privatisation du transport ferroviaire de voyageurs avec transferts obligatoires des agents SNCF sous peine de licenciement ;
- fin des embauches au statut (ce qui, à terme, déterminera une dégradation du régime de prévoyance des cheminots) ;
- gel des embauches de par le nonremplacement des agents prenant leur retraite, entrainant à terme la suppression de milliers d’emplois ;
- transformation des trois EPIC en société anonymes privées (les EPIC, « Etablissement Public Industriel et Commercial », sont des structures de la gestion à travers lesquelles la SNCF gère de manière séparée et ciblée le pilotage global du Groupe, le réseau ferré, le transport de voyageurs et marchandises) ;
- filialisation du Fret (lire « nouvelle privatisation du transport de marchandises SNCF »), et conséquente suppression d’au moins 800 postes ;
- projet de passage des Technicentres SNCF sous la convention de la métallurgie ;
- fermetures progressives de guichets et de points de vente physiques ;
- recours systématique à la soustraitance dans de nombreux services secondaires internes aujourd’hui assurés par la SNCF elle-même, et donc recours aux externalisations par des appels d’offre à des entreprises privées (comme à l’Agence famille de la SNCF) ;
- gel de salaires pour la 4ème année consécutive.
C’est contre cette contre-réforme ferroviaire que les cheminots ont mené une grève héroïque pendant plus de 3 mois au printemps 2018. La direction de la SNCF a méprisé toute demande légitime de consultation démocratique avancée par les cheminots, et ce car elle savait bien qu’elle aurait perdu le vote : lorsque les syndicats ont organisé des « Vot’Action » au mois de mai, 95 % des cheminots se sont exprimés contre le Pacte ferroviaire. Pire encore, la direction de la SNCF a également tout mis en œuvre pour déchainer une répression féroce à l’encontre de ses salariés. Pepy&Co en effet se montrent beaucoup plus zélés lorsqu’il s’agit de réprimer que lorsqu’on leur demande sans cesse d’améliorer l’offre de trains, les conditions de voyage et les conditions de travail. Plusieurs dizaines de cheminots tombent actuellement à la fois sous le coup de procédures de sanction internes et de plaintes déposées aux commissariats. La surexploitation et la répression des dernières années ont provoqué de centaines de cas de dépressions et burn-out, allant jusqu’à de trop nombreux cas de suicides d’agents de la SNCF.
C’est le système capitaliste qui est responsable de leur dégradation physique et mentale, de leur mort. Dans la recherche obsessionnelle du profit, la bourgeoisie met en jeu nos droits jusqu’à nos vies mêmes ! La seule « faute » des cheminots est d’avoir lutté pour un avenir digne : non seulement pour leurs conditions de travail mais pour la défense du service public, c’est-à-dire pour tout le monde !
La fermeture des guichets n’est qu’une des premières conséquences de l’application de la réforme ferroviaire à Strasbourg. N’ayant honte de rien, le service communication de la SNCF ose se justifier avec ces mots : « les salariés de la SNCF sont animés par un esprit pionnier afin de répondre aux enjeux de la mobilité et des futures mobilités ». La langue de bois est indéniable. D’abord, les salariés n’ont été jamais consultés ni sur les projets de vente des gares ni sur la réforme ferroviaire dans sa globalité. Ensuite, comment définir « pionnier » un projet de privatisation qui reporte le droit au transport et les conditions de travail au XIXe siècle ? Enfin, comment parler de « futures mobilités » si, à force de casser le service public, dans un futur très proche il n’y aura plus qu’un seul type de mobilité ferroviaire, celle de la classe bourgeoisie qui pourra se permettre les prix exorbitants des transports rapides ! La future mobilité pour les prolétaires sera celle des OuiGo fliqués et surchargés, ou des bus Macron qui emploient 10 heures pour un trajet Strasbourg-Paris !
Le système capitaliste montre une fois de plus qu’il est structurellement incapable de conjuguer l’avancement technologique avec l’avancement des droits des usagers et des travailleurs. Si l’on veut arrêter de subir, il est plus qu’urgent de passer à l’offensive et d’inverser la tendance. Au lieu de privatisations et coupes budgétaires, il est temps d’œuvrer pour la renationalisation démocratique de la SNCF. Nous pourrons disposer de véritables services publics accessibles et de qualité seulement après le renversement violent du capitalisme et par la construction du socialisme, dans lequel ce seront les travailleurs qui contrôleront les secteurs clés de la société.
Contre la mise aux enchères de nos gares et de nos droits, pour une mobilisation unitaire des cheminots et des usagers : Mettons en échec les plans de Pepy et Macron, défendons le service public ferroviaire !
MJCF 67 - Cellule quartier gare