Places limitées à l’Université de Strasbourg : faute de moyens financiers, c’est une sélection illégale qui prend la place du droit à l’éducation !
Publié le 19 Août 2015
La rentrée se prépare à l’Université de Strasbourg mais nombre d’étudiants primo-entrants n’auront pas le droit d’intégrer la filière de leur choix (leur vœu n°1 sur le portail Admission Post Bac). La limitation des capacités d’accueil dans certains UFR est déjà actée depuis 2012-2013 dans nombre de premières années de Licence de notre université :
L1 mention Arts, parcours Design
L1 mention Arts, parcours Arts plastiques
L1 mention Arts du spectacle, parcours Cinéma
L1 mention Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS)
L1 mention Langues étrangères appliquées
L1 mention Psychologie
L1 mention Droit
L1 mention Économie et Gestion
L1 mention Langues, littératures et Civilisations Étrangères - Anglais
Première année commune des études de Santé (PACES)
Mais quelles sont les raisons du contingentement, ou « quotas », à l’Université de Strasbourg ? Il suffit de regarder les actes des séances des Conseils d’UFR et de la CFVU pour découvrir que le problème est essentiellement financier. Ce ne sont pas davantage des raisons de qualité pédagogique qui imposent aux UFR de limiter l’accueil d’étudiants. C’est tout simplement que les UFR ne disposent pas d’assez de moyens pour effectuer les investissements nécessaires pour accueillir tout le monde dans de bonnes conditions, surtout que chaque rentrée marque une augmentation importante des inscrits aux études supérieurs (les demandes d’inscription à l’université pour la rentrée 2015 ont augmenté de 6,5% par rapport à 2014).
Ainsi l’UFR de STAPS est contrainte de limiter ses capacités d’accueil au vu du manque de salles spécialisées sur le campus et d’autres installations disponibles au sein de la CUS, mais aussi à cause de « l’éclatement géographique des installations sportives qui pose des problèmes liés aux trajets »1. Une problématique majeure est posée aussi par l’impossibilité de recruter d’intervenants qualifiés pour les enseignements de type APSA (Activités physiques, sportives et artistique).
De même, l’UFR des Arts s’est vue obligée de mettre en place des quotas à l’entrée en Licence à cause du manque de « locaux pouvant accueillir les ateliers polyvalents et les ateliers techniques spécifiques »2, du manque de l’équipement mobilier nécessaire pour le fonctionnement des ateliers existants (infographie et sculpture) et des « difficultés de recrutement d’enseignants contractuels hautement spécialisés en Design […], les ressources locales en spécialistes étant limitées »3.
Derniers exemples, les UFR de Psychologie, de LSHA et de Sciences Économiques ont justifié la mise en place des quotas en L1 par le manque de locaux d’enseignement, de salles équipées et d’amphithéâtres de grande capacité d’accueil, qui rend difficile l’organisation des enseignements dans des bonnes conditions. À cette situation s’ajoute la difficulté de recrutement de personnel enseignant supplémentaire, ce qui donne lieu à des TD et TP surchargés, à la difficulté pour nombre d’étudiants d’accéder aux équipements des laboratoires et à l’impossibilité pour les enseignants d’accompagner chaque étudiant individuellement dans des bonnes conditions : « au vu des effectifs, le taux d’encadrement en enseignants titulaires est insuffisant ; les enseignants contractuels et vacataires sont indispensables pour pouvoir assurer l’ensemble des enseignements prévus par la maquette. Les enseignements dispensés sont hautement spécialisés et le vivier local des intervenants n’est pas illimité. Le nombre d’enseignants contractuels et vacataires atteint les limites de ce vivier et les difficultés de recrutement sont patentes »4.
La situation de pénurie budgétaire donne lieu également à des politiques discriminatoires envers les étudiants d’autres académies et d’autres pays, à cause des effets pervers de la plate-forme d’admission, qui ne tient pas compte du rapprochement géographique domicile-étude mais du rattachement académique. En effet, pour les formations contingentées de l’Unistra, l’accès est réservé prioritairement aux étudiants du Bas-Rhin et Haut-Rhin. L’admission de candidats résidant dans d’autres départements ou de candidats étrangers est soumise à une dérogation de la part de l’université, elle doit être motivée pour des « raisons familiales » sur le portail Admission Post Bac et étudiée par une commission d’admission avant la rentrée.
Le phénomène des quotas n’est pourtant pas nouveau et nous constatons avec préoccupation son développement partout en France. Cette année près de 7.500 bacheliers (sur un total de 214.000 candidats en Licence) sont toujours en attente d’une place à l’université.
Il n’est pas étonnant de voir se multiplier les cas d’étudiants qui obtiennent l’admission dans une filière qui avaient placé en 4e ou 5e vœu sur Admission Post Bac et qui enfin renoncent aux études supérieurs en n’acceptant pas des parcours par défaut. Est-ce que ces étudiants méritent moins que les autres d’intégrer l’université de leur choix ? L’incapacité du gouvernement de répondre aux augmentations d’effectifs dans l’enseignement supérieur est patente et la sélection illégale qui est mise en place par les établissements remet en cause le droit à l’éducation pour tous et va expressément contre l’article L612-3 du Code de l’éducation stipulant que « le premier cycle universitaire est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat ».
La responsabilité est double : si le gouvernement persiste dans la démarche de l’autonomisation des universités et de l’austérité budgétaire, la direction de l’Université de Strasbourg ne brille pas pour la volonté d’entamer une politique de financement équitable entre ses différentes composantes. Au lieu d’investir dans l’immobilier pour augmenter les capacités d’accueil des salles de cours, libérer de nouveaux espaces pour les laboratoires et acheter l’équipement nécessaire, la direction de l’Unistra a baissé les crédits pour la politique immobilière dans son budget 2014 et a délibérément choisi d’allouer 20 millions d’euros pour embellir son « campus vert et ouvert » totalement inutile et dont les effets ne seront que « cosmétiques », au lieu de les investir dans la rénovation de ses locaux. Aussi, au lieu d’investir dans le recrutement de personnel qualifié et de donner aux UFR les moyens de faire appel à des intervenants d’autres universités pour des cours spécialisés, c’est une politique de gel de postes qui a été massivement appliquée : après les 85 postes d’enseignants-chercheurs, enseignants et BIATSS qui n’ont pas été renouvelés les années précédentes, pour 2015 c’est au total 34 postes qui ont été gelés.
La réponse du gouvernement vis-à-vis de la massification de l’enseignement supérieur a été la pénurie budgétaire et la limitation des capacités d’accueil des UFR, qui ne fera qu’empirer le caractère sélectif des universités et empêcher à des milliers de jeunes d’intégrer les filières de leur choix. L’Union des Étudiants Communistes dénonce depuis des années ces pratiques illégales de sélection dans nos universités. La mise en place des quotas a été dénoncée parmi les autres dégradations lors des mobilisations que nous avons menées ces dernières années sur le campus de Strasbourg. Il est maintenant impératif de continuer la lutte dès la rentrée 2015 : s’opposer à la sélection à l’université signifie réclamer que toutes les filières soient financées à la hauteur, pour qu’elles disposent des moyens pour recruter du personnel et assurer le fonctionnement des laboratoires et pour qu’il soit mis un terme à l’austérité qui entrave le droit à l’éducation pour tous !
L’Union des Étudiants Communistes de Strasbourg
1 Délibération n° 027-2013 de la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire, Séance du 26 novembre 2013
2 Délibération n° 020-2013 de la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire, Séance du 26 novembre 2013
3 Idem
4 Délibération n° 025-2013 de la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire, Séance du 26 novembre 2013