Tsahal : l’armée la plus morale. Vraiment ?
Publié le 25 Février 2017
Nous avons appris la tenue d’une conférence intitulée « Tsahal : l’armée la plus morale » organisée par l’association sioniste francophone et pro-Netanyahu Israel is Forever, le lundi 27 février 2017 à la Synagogue de la Paix de Strasbourg ! L’invité est Richard Darmon, journaliste et géopolitologue spécialiste des conflits au Moyen-Orient, ainsi que conseiller politique de la Rédaction du mensuel Israel Magazine. Il parlera de « comment Tsahal respecte les obligations contraignantes du droit de la guerre et relève le défi de la conduite éthique de ses soldats lors des conflits asymétriques à basse intensité dans les zones surpeuplées de la Bande de Gaza ».
Il ne s’agit bien évidemment pas d’un moment « neutre », de débat sur le rôle de l’armée israélienne au Moyen-Orient, mais bel et bien d’une conférence de propagande pour l’armée qui s’auto-proclame « la plus morale » du monde. Le titre et la description de l’événement ainsi que le profil de l’intervenant ne pourraient être plus clairs.
La réalité de Tsahal est bien différente. Déjà on ne peut pas définir une armée par rapport à sa moralité : la moralité de l’armée est celle du gouvernement qui la contrôle, et la moralité du gouvernement se définit par rapport aux intérêts de la classe qui le constitue. L’armée israélienne est, comme les autres, un instrument au service du pouvoir. Dans le cas israélien, la bourgeoisie ultra-nationaliste se sert de son armée high-tech pour sa politique impérialiste et terroriste. Et, « lorsqu’une armée doit se transformer en force d’occupation, inévitablement elle viole les droits de l’homme et pratique la répression. Le fait que les parents des soldats israéliens aient été victimes du génocide hitlérien n’apporte aucune circonstance attenuante à la spoliation des droits des Palestiniens »[1]. Dans un monde gangrené et meurtri par l’impérialisme, la morale militaire est par définition immorale.
Même si on voulait jouer au jeu de la « moralité », il est impossible de définir ainsi Tsahal. Le gouvernement et l’armée israéliens sont les auteurs d’un lent génocide depuis 1967, pratiquent une politique d’apartheid et promeuvent une politique d’expansion coloniale qui est illégale vis à vis du droit international et de la Charte des Nations Unies. La résolution du Conseil de sécurité de l’ONU du 23 décembre 2016 l’a également reconnu, enfin.
Tsahal applique la « doctrine Dahiya », une théorie de l’utilisation d’une force disproportionnée par l’armée contre les civils palestiniens (développée par l’université de Tel-Aviv dans le cadre de sa collaboration technologique et idéologique avec l’armée israélienne). Est-ce moral ?
Durant la guerre du Liban (1975-1990), Tsahal s’est rendu coupable de la mort de plus de 20.000 Palestiniens et Libanais. Est-ce moral ? Les bombardements des villes, la destruction de camps de réfugiés au Sud-Liban, le siège de Beyrouth, le massacre de Sabra et Chatila, etc. est-ce moral ?
Lors de la première Intifada (1987-1993), la répression militaire contre une jeunesse Palestinienne armée de pierres a provoqué plus de 2.000 morts civils et militaires ainsi que 30.000 blessés. Lors de la seconde Intifada (2000-2008), Tsahal a fait plus de 3.000 morts civils et militaires. Est-ce moral ?
Depuis l’année 2000, les différentes offensives militaires d’Israël en Palestine ont tué plus de 7.100 civils palestiniens, sans compter le nombre impressionnant de blessés et de déplacés. Est-ce moral ? Les check-points, les bombardements des villages, les exécutions sommaires des leaders de la résistance palestinienne par les unités de l’escadron de la mort de Tsahal, les dynamitages des maisons des Palestiniens, la « barrière de séparation israélienne » en Cisjordanie, les explusions et les emprisonnements arbitraires, les tortures, les mauvais traitements et les violences sexuelles en prison, l’arrachement des arbres fruitiers, etc. est-ce moral ?
L’arrestation et l’emprisonnement chaque année de 500 à 700 enfants Palestiniens, poursuivis automatiquement devant la justice militaire, souvent immobilisés par étranglement, interrogés sans leurs parents ou un avocat[2], est-ce moral ? Lors de la rentrée scolaire de 2016, les soldats israéliens ont bloqué l'arrivée de livres scolaires prévus pour la jeunesse âgée de 7 à 17 ans, enclenchant ainsi une nouvelle étape vers un génocide culturel du peuple palestinien[3]. Est-ce moral ?
Près de 7.000 palestiniens, tout âge compris, croupissent à l’heure actuelle dans les geôles israéliennes. Pour beaucoup, ils n'ont pas été jugés, leur tort est le simple fait d’être palestiniens. Récemment, Israël a baissé à 12 ans l’age minimum d’empisonnement. Depuis l’occupation des terres palestiniennes de 1967, 700.000 Palestiniens des territoires occupés ont été détenus par Israël, soit 20% de la population palestinienne. Au-delà des raisons purement politiques qui justifient les emprisonnements, les conditions des détentions sont des plus inhumaines. Les détentions dites administratives se font dans l’arbitrarieté, elles sont contraires au droit international et au droit humanitaire, dans une violation perpétuelle de la 4ème Convention de Génève de 1949[4]. Est-ce moral ?
Israël « a développé une industrie militaire florissante pour surmonter l’embargo sur les ventes d’armes décrété par quelques puissances occidentales pendant les deux premières décennies de l’existence de l’Etat. Il a vendu du matériel militaire à des régimes fascistes comme celui de Pinochet, aux dictatures d’Amérique latine et aux racistes d’Afrique du Sud. Les responsables de l’industrie militaire ont toujours justifié ces fournitures par la nécessité de vendre à qui est prêt à payer, si le pays doit subsister »[5]. Est-ce moral ?
La « justice » israélienne excuse systématiquement les crimes des soldats de Tsahal. Le cas d’Elor Azaria en mars 2016[6] est le dernier d’une longue liste de crimes restés impunis. Est-ce moral ? Quant à la « justice » internationale, elle a le plus grand mal à émettre des condamnations vis à vis des soldats de Tsahal qui commettent des actes criminels : Israël n’est pas signataire du Statut de Rome qu’en
Non, Tsahal n’est pas l’armée la plus morale. Elle est, comme les autres, une armée d’occupation et de répression. Ses crimes jouissent du soutien du gouvernement et de la justice israélienne, ainsi que de nombreuses forces politiques et associations sionistes. Tsahal est l’outil dont se sert l’État israélien pour imposer sa domination sur le peuple Palestinien ainsi que renforcer sa position en tant que facteur de déstabilisation au Moyen-Orient.
Nous rappelons aussi la complicité de la France et des puissances impérialistes occidentales dans la montée en puissance de Tsahal. En 2012, la France a accordé des autorisations d’exportations d’armes en direction d'Israël d’une valeur de plus de 200 millions d’euros. Le matériel vendu consiste en missiles, roquettes, aéronefs et matériel électronique. Alors qu’en 2014 des pays comme l’Espagne ou le Royaume-Uni ont décidé de suspendre totalement ou partiellement leurs ventes d’armes à Israël, la France n’a jamais remis en cause sa politique de soutien matériel à l’armement d'Israël. En mars 2016, nous avons pu apprendre par la sénatrice UDI Nathalie Goulet que les contribuables Français qui effectuent un don à l’armée israélienne bénéficient d’une réduction d’impôts de 60%[8]. Non contente de sa passivité, la France est donc complice directe des bombardements et des massacres des palestiniens, car c’est bien avec les armes dont elle autorise l’exportation que ces tueries sont accomplies, ainsi que les contribuables français sont incités à financer l’armée d’occupation israélienne.
Ce qui nous scandalise le plus c’est que cette conférence de propagande pro-Tsahal soit hébergée à la Synagogue de la Paix de Strasbourg, lieu de culte et qui héberge également les locaux de la Communauté israélite de Strasbourg. Le conférencier et les responsables communautaires mélangent volontairement judaïsme et sionisme, religion et politique, et participent ainsi au développement de l’antisémitisme.
Nous devons combattre les amalgames idéologiques qui présentent le conflit israélo-palestinien comme un conflit relgieux, alors qu’il s’agit clairement d’une question politique. Le peuple palestinien est privé d’État et subit la colonisation d’un autre État. Cette injustice est politique et absolument pas religieuse. Le conflit israélo-palestinien, c’est celui d’une puissance occupante – qui ne se définit pas par la religion de ses habitants (tous les Israéliens ne sont pas juifs !) – et d’un peuple occupé – qui ne se définit pas davantage par la religion de ses habitants (tous les Palestiniens ne sont pas musulmans !). C’est celui de la troisième armée du monde et d’un peuple sans État donc sans armée. C’est celui d’une grande puissance économique et d’un peuple écrasé et pillé, occupé et humilié.
Face à cela, nous réaffirmons notre solidarité avec le peuple Palestinien en lutte pour sa reconnaissence et sa dignité. Nous continuerons à combattre ici et maintenant la politique impérialiste et criminelle d’Israel, notamment à travers la campagne de « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » (BDS) pour isoler l’Etat israélien et contraindre l’Occident à abandonner sa politique complice à son égard. Ce combat passe également par la reconnaissance d’un État Palestinien ainsi que la libération des prisonniers politiques Palestiniens.
Nous dénonçons qu’une telle conférence puisse se tenir dans une ville qui s’auto-proclame « capitale des droits de l’Homme », ainsi que dans un lieu de culte qui ne devrait pas diviser sa communauté en hébergeant des véritables meetings de propagande.
Mouvement des Jeunes Communistes du Bas-Rhin et Union des Etudiants Communistes de Strasbourg
RASSEMBLEMENT LE LUNDI 27 FEVRIER
à 18h devant le siège du CRIF (9, place Kléber à Strasbourg)
à l'appel de l'UJFP-Alsace et du MJCF 67 pour protester contre la tenue de la conférence de propagande pro-Tsahal !
https://www.facebook.com/events/1196809417099507/
http://www.ujfp.org/spip.php?article5435
[1] Le Monde diplomatique, « Tsahal, défense et illustration de l’armée israélienne » (2006) : http://www.monde-diplomatique.fr/mav/88/KAPELIOUK/13690
[2] En 2015, l’ONG Human Rights Watch à constaté que « Les forces de sécurité israéliennes ont eu recours à une force excessive pour arrêter ou placer en détention des enfants palestiniens, dont certains n'avaient pas plus de 11 ans. Les forces de sécurité ont pratiqué sur des enfants des immobilisations par pseudo-étranglement, ont lancé vers eux des grenades assourdissantes, les ont passés à tabac pendant leur garde à vue, les ont menacés et soumis à des interrogatoires sans la présence de leurs parents ou de leurs avocats, et se sont abstenus d'informer leurs parents sur leur sort » : https://www.hrw.org/fr/news/2015/07/19/israel-les-forces-de-securite-commettent-des-abus-lencontre-denfants-palestiniens
[3] Voir UEC Strasbourg, « Une rentrée de solidarité internationale avec le peuple Palestinien » : http://uecstrasbourg.over-blog.com/2016/09/une-rentree-de-solidarite-internationale-avec-le-peuple-palestinien.html
[4] Voir UEC Strasbourg, « Une rentrée de solidarité internationale avec le peuple Palestinien » : http://uecstrasbourg.over-blog.com/2016/09/une-rentree-de-solidarite-internationale-avec-le-peuple-palestinien.html
[5] Le Monde diplomatique, « Tsahal, défense et illustration de l’armée israélienne » (2006) : http://www.monde-diplomatique.fr/mav/88/KAPELIOUK/13690
[6] Voir Libération, « En Israël, le soldat ayant tué un Palestinien s’en tire avec les honneurs » : http://www.liberation.fr/planete/2017/02/21/en-israel-le-soldat-ayant-tue-un-palestinien-s-en-tire-avec-les-honneurs_1550007
[7] Voir UEC Strasbourg, « La Palestine à la Cour pénale internationale : et maintenant ? » : http://uecstrasbourg.over-blog.com/la-palestine-a-la-cour-penale-internationale-et-maintenant.html
[8] Voir MJCF, « La France, complice des bourreaux des Palestiniens » : http://www.jeunes-communistes.org/2016/04/01-france-complice-bourreaux-palestiniens-12805