Attentat de Strasbourg du 11/12 : l’urgence est dans la lutte contre l’impérialisme et la domination néocoloniale !
Publié le 13 Décembre 2018
Le Mouvement des Jeunes Communistes du Bas-Rhin exprime son soutien à la population strasbourgeoise ainsi qu’à toutes les personnes ayant été touchées de près ou de loin par les événements tragiques du soir du 11 décembre au centre-ville de Strasbourg. Nous exprimons en particulier nos sincères condoléances aux familles et proches des victimes.
Alors que l’auteur de la fusillade et ses éventuels complices courent toujours, que la dynamique des faits doit encore être éclaircie, que la population essaye de composer avec le traumatisme, il est de notre devoir d’apporter une réponse aux répercussions politiques que les faits de Strasbourg sont en train d’entraîner du fait de leur définition en tant qu'actes terroristes.
La « lutte contre le terrorisme », en France comme partout en Occident, occupe une place prédominante dans le discours public et produit des revers très concrets sur nos vies. Attentat après attentat, les pouvoirs publics ne trouvent d’autre solution que de faire appel à un renforcement de l’appareil sécuritaire. En France, cette logique a atteint son paroxysme avec la déclaration de l’état d’urgence et sa reconduction constante de 2015 à 2017, et avec la promulgation en 2015 de la loi liberticide relative au renseignement. D'autres dispositifs sont survenus dans la foulée et en complément (renforcement du plan Vigipirate, surarmement de la police, recours aux agents de sécurité privée, etc). Cependant, les attentats n’ont pas cessés : Magnanville, Nice, Orly, Saint-Etienne-de-Rouvray, Levallois-Perret, Carcassonne, Trèbes, Paris et maintenant Strasbourg. Force est de constater que le seul effet qu’a eu concrètement l’état d’urgence est d’avoir servi de justification pour interdire et mieux réprimer les mouvements sociaux, tels ceux autour de la COP21 et de la loi Travail.
A Strasbourg, depuis 2015 le Marché de Noël fait l’objet d’un dispositif sécuritaire impressionnant, perfectionné d’année en année pour rendre l’hyper-centre une forteresse. Cependant, le seul but de ce dispositif est justement d’impressionner : concrètement, les barrages sont franchissables par n’importe qui à n’importe quel moment, et avec n’importe quoi dans son sac. Alors à quoi bon mettre en place tout ce délire sécuritaire si c’est pour le concevoir déjà de manière structurellement lacunaire ? Le dispositif est un simple dissuasif, visant à donner à la population et aux touristes une illusion de sécurité. Comme pour l’état d’urgence en général, le seul effet concret du dispositif du Marché de Noël a été de pouvoir justifier la répression et les restrictions à l’égard des mouvements sociaux, et à empêcher le débordement des manifestations dans le centre-ville. Concrètement, le dispositif ne vise pas à protéger la population du terrorisme, mais à protéger les profits des commerçants contre les perturbations liées aux mouvements sociaux.
Par-là, nous ne prêchons pas un quelconque renforcement des mesures sécuritaires. Nous sommes convaincus que l’État bourgeois est structurellement incapable de protéger ses habitants. Si les mesures sécuritaires, nationales comme locales, montrent une fois de plus leur inutilité, la raison ne se trouve pas dans tel ou tel détail de celles-ci, mais bien dans leur ensemble, dans leur nature même. Face au phénomène terroriste, l’escalade sécuritaire n’est tout simplement pas la solution, puisqu’elle ne s’attaque pas à la source du problème, elle ne pose jamais les questions « d’où vient le terrorisme ? qui en est complice ? ».
La recrudescence du phénomène terroriste tire en premier lieu son origine dans le système capitaliste ayant atteint son stade impérialiste. Les pays impérialistes et leurs organisations communes, dont l’Union européenne et l’OTAN, créent les présupposés pour l’existence du terrorisme et de ses ramifications partout dans le monde. A l’extérieur de leurs frontières, les forces impérialistes multiplient les guerres, fomentent les guerres civiles, orchestrent des coups d’État et des déstabilisations, pratiquent une politique économique de type néocoloniale. Généralisant la misère et provoquant les migrations, les impérialistes entendent régner sur le désert qu’ils créent eux-mêmes. A l’intérieur des frontières, pour catalyser le consensus autour de sa politique impérialiste, la classe dominante et ses gouvernements poussent à leur paroxysme le racisme institutionnel, la gestion néocoloniale des quartiers prolétaires, la répression des migrations, la militarisation de l’espace public. Les impérialistes comptent ainsi diviser la classe subalterne, le prolétariat, en fonction de l’origine, la couleur de peau, l’orientation religieuse. L’instrumentalisation de la question de la laïcité sert le même objectif : stigmatiser les populations issues des migrations et détourner l’attention du prolétariat des problèmes économiques. Un prolétariat divisé, en lutte interne perpétuelle, permet à la bourgeoisie impérialiste de mieux asseoir sa domination. Malgré toutes les dénonciations sur « le danger que constitue le repli identitaire et communautaire pour l’ordre républicain », la bourgeoisie est bien contente de ce repli, et elle alimente continuellement les conditions de son existence.
Convaincus qu’il s’agit par-là d’une manière efficace de combattre la misère du système impérialiste, des individus se laissent alors corrompre par le discours fondamentaliste. Ils opèrent le choix de l’attentat, du meurtre de masse, aveugle et, qui plus est, basé sur une conception de la lutte ultramontaine, mystique, incapable de créer la moindre condition pour une émancipation terrestre et donc réelle. Tant dans les pays impérialistes que dans les pays qui le subissent, le fondamentalisme, le fanatisme, l’obscurantisme sont des outils de domination des masses, servant à asseoir l’exploitation économique du prolétariat. Dans les pays qui subissent l’impérialisme, les fondamentalismes se sont développées en profitant de la crise des organisations révolutionnaires des années 1980-1990. Depuis la chute du bloc socialiste, la « normalisation » de la Chine, les retournements de veste opportunistes de nombreux partis communistes occidentaux, les mouvements de libération nationale se sont retrouvés désarmés, isolés. Ils ont été plus facilement la cible des fondamentalismes, jusqu’alors extrêmement isolés, qui ont réussi à devenir hégémoniques dans le discours de libération. Dans les pays impérialistes, le fondamentalisme se nourrit de la précarisation et de la désertification sociale croissantes dans les quartiers prolétaires afin de recruter une jeunesse à l’abandon. Là où le prolétariat ne s’organise pas en tant que classe, là où les liens entre les composantes du prolétariat ne sont plus assurés par ses organisations, ce sont les logiques communautaires, leurs associations, leurs logiques inter-classe, qui comblent le vide qui leur est laissé à leur disposition. Et lorsque la lutte des classes est invisibilisée comme seul et véritable outil d’émancipation, la porte est grande ouverte pour que ça soit le discours fondamentaliste qui catalyse les envies de révolte.
Si l’impérialisme crée donc les conditions matérielles du fondamentalisme, il a besoin également d’idiots utiles prêts à tout pour exaspérer davantage le climat, pour creuser davantage des divisions au sein du prolétariat. En France comme en Europe, les forces réactionnaires et néofascistes ont précisément le rôle d’alimenter le cercle vicieux d’impérialisme/fondamentalisme qu’elles prétendent combattre. Par la propagation de la théorie du choc des civilisations, par les amalgames entre terrorisme et migration, ces forces contribuent à l’instauration d’un climat de peur et paranoïa, qu’à son tour justifie la politique impérialiste à l’intérieur et à l’extérieur des frontières. Les réactionnaires et les néofascistes profitent maintenant des événements de Strasbourg de manière opportuniste pour trouver des consensus dans leur opposition au Pacte de Marrakech sur la politique migratoire, pour justifier la fermeture des frontières et les expulsions du territoire, pour propager davantage leur discours raciste, xénophobe et islamophobe. Il est utile de rappeler à ces charognards que leur idéologie est autant meurtrière que le fondamentalisme, et que, en instaurant un discours de guerre civilisationnelle, leur idéologie a déjà donné lieu à des attentats autant dramatiques que ceux des cellules djihadistes. En effet, ces deux terrorismes s’alimentent l’un l’autre : il n'est pas étonnant de constater que les projets d’attentats déjoués ou perpétrés ces dernières années relèvent exclusivement de l’extrême-droite et des fondamentalistes, deux facettes d'une même pièce, et ce au grand profit de la stabilité du système impérialiste dans son ensemble. Ceux qui dénoncent le laxisme des pouvoirs publics vis-à-vis des multirécidivistes qui tombent dans le fondamentalisme, sont par contre très silencieux sur le fait que c’est ce même laxisme qui leur permet de développer à la lumière du jour les bases idéologiques de leur terrorisme propre : que dire du laxisme des pouvoirs publics lorsque les néofascistes strasbourgeois perpètrent des attaques armés, posent armés sur les réseaux sociaux, organisent des soirées de soutien à la galaxie du terrorisme « noir » européen et laissent tribune libre aux inspirateurs d'attentats à la bombe des années 1970-1980 ?
Les complices de l'impérialisme ne s’arrêtent pourtant pas là. D'autres idiots utiles sont prêts à se mettre aux ordres de la classe dominante pour détourner la population de la compréhension des vraies causes du terrorisme. Pour les faits de Strasbourg, nous assistons alors déjà à la parade des médias mainstream, tels BFM TV et Le Parisien, prêts à affirmer que la fusillade aurait été possible seulement parce que la police avait dû abandonner le Marché de Noël pour aller réprimer les manifestations lycéennes et/ou pour s'occuper des Gilets Jaunes. Ce discours, qui profite de la fusillade pour rajouter une couche à la criminalisation du mouvement social, est bien évidemment repris à la lettre par les tristes héros de notre époque : les paladins des réseaux sociaux qui se cachent derrière leurs claviers pour vociférer sur tout ce qui gêne leur petite vie monotone. Et dans la confusion qui est sciemment construite sur l'utilisation des forces de police lors des événements du 11 décembre, on accuse les Gilets Jaunes et les lycéens d'avoir créé les conditions matérielles de l'attentat. La bourgeoisie impérialiste n'aurait pas su faire mieux : ses logiques de domination, causes véritables du terrorisme, ont encore des beaux jours devant elles. Son recours à la répression physique et idéologique en sort davantage renforcé, alors qu'elle n'a même pas eu besoin de bouger son pouce.
Nous entendons aussi de nombreux discours complotistes, comme quoi l'attentat aurait été sciemment planifié par le gouvernement pour mettre fin à la crise politique. L’important n’est pas de savoir qui a commis tel ou tel acte, qui en est le commanditaire, qui a fait la sourde oreille, etc. L’important c’est de tirer la conclusion : à qui profite le crime ? Ce qui est évident, c'est que la fusillade de Strasbourg tombe comme de l'eau bénie – et au bon moment – dans les mains de la bourgeoisie et de son gouvernement, alors qu'ils n'arrivent plus à maintenir leur paix sociale et leur ordre républicain, et que les masses expriment une volonté claire de conflictualité sociale. Il n'est point étonnant donc de voir les tenants de l’impérialiste français faire de tout leur possible pour tirer un profit maximum des événements de Strasbourg. Ils comptent en profiter pour dégager un nouveau sentiment d’unité nationale pour accélérer le « retour à la normale » après la crise politique, pour recoudre le conflit de classe qui a « blessé la nation ». Ils en profitent alors pour entraver et interdire l’Acte 5 des Gilets Jaunes. Ils comptent en profiter également pour redonner une meilleure image aux institutions « républicaines », pour faire oublier que la police qui escorte les habitants de Strasbourg hors du centre-ville la nuit, le matin a perpétré des violences sur des lycéens ; faire oublier que la même institution policière est responsable de mutilations et défigurations de dizaines de jeunes, de l'humiliation des élèves de Maintes-la-Jolie, de l'assassinat de tant d'habitants des quartiers prolétaires. Comme si sauver une vie impliquait automatiquement le pardon pour les dizaines qui ont été détruites auparavant.
Contre le discours dominant de la bourgeoisie impérialiste, de ses complices et de ses laquais, nous réaffirmons que pour apporter une solution sérieuse et durable au terrorisme il faut s’en prendre à la racine du problème, et non pas seulement à ses manifestations. L'impérialisme porte les germes du terrorisme : la bourgeoisie est par conséquent incapable d'y mettre un terme. Comment mettre fin aux guerres lorsque la bourgeoisie a besoin de celles-ci pour engraisser ses profits ? Comment mettre fin au racisme structurel, aux stigmatisations des populations non-blanches, à la traite et à l'esclavagisme des migrants, lorsque la bourgeoisie en a besoin pour diviser la classe prolétaire et disposer d’une armée de réserve avec laquelle opérer un chantage sur les salaires et les conditions de travail ? Comment mettre fin à la désertification sociale des quartiers prolétaires lorsque la bourgeoisie a besoin de celle-ci dans le cadre de ses politiques de privatisations des services publics, de sélection dans l'éducation ?
Pour résoudre le problème à la racine, pour mettre fin au terrorisme, il n'y a pas d’autre issue que de mettre fin à l’impérialisme. Dans les pays impérialistes comme dans les pays qui le subissent, la lutte n'est qu'une seule : le renversement du pouvoir de la bourgeoisie et de ses chiens de garde, qu'ils soient fondamentalistes ou néofascistes, et son remplacement par le pouvoir des travailleurs. Seule la classe prolétaire victorieuse sera capable de construire une solidarité internationale des peuples nouvelle, véritable, débarrassée des logiques d’exploitation, de domination, de guerre.
En finir avec le capitalisme et avec l'impérialisme : voilà l'urgence. Ne nous laissons pas endormir par les discours de réconciliation nationale, ne nous laissons pas diviser une fois de plus : seulement unis, nous vaincrons la bourgeoisie, et avec elle nous vaincrons le terrorisme ! Pour cela, nous nous joignons à tous ceux qui parmi les Gilets Jaunes, les lycéens et étudiants en lutte, les ouvriers et leurs organisations syndicales, passé le temps du deuil, ont la ferme détermination de reprendre un combat sans merci contre le pouvoir de la bourgeoisie et de son gouvernement !
Mouvement des Jeunes Communistes du Bas-Rhin