Contre les menaces de fermeture de la polyclinique Saint-Luc de Schirmeck
Publié le 16 Décembre 2018
La polyclinique privée Saint-Luc de Schirmeck, faisant partie du Groupe Saint-Vincent, est menacée de fermeture. L’institut est déficitaire depuis des années, et a vu les difficultés se cumuler davantage lorsqu’en 2015 il n’a pas pu obtenir le statut d’établissement isolé : depuis lors, il doit survivre en réclamant ici et là des fonds d’aides régionaux et locaux. Le 5 décembre 2018, l’Agence régionale de santé (ARS) du Grand Est a annoncé l’extinction des financements pour la Saint-Luc : la menace de fermeture est devenue immédiate. Ce n’est que grâce à la mobilisation récente des salariés de l’établissement que cette décision a été mise en suspens, provisoirement.
La crise de la Saint-Luc rentre dans le contexte plus large de la crise des cliniques privées, à son tour liée à la crise du système de santé français à l’heure de l’austérité. Le 9 décembre 2018, une première grève nationale des personnels de santé et administratifs des cliniques du Groupe Saint-Vincent a été appelée par l’intersyndicale CGT-FO-UNSA, suivie par 80 % des salariés. Ce qui est pointé du doigt, ce sont les reculs salariaux envisagés par le projet de révision de la convention collective de 1951 tels que proposé par la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs). Le projet prévoit en effet une réduction de la prime d'ancienneté, une diminution du paiement des heures supplémentaires les dimanches, jours fériés et les nuits, une baisse de la prime de retraite, la suppression de jours fériés pour certaines catégories de personnels, ainsi qu’une révision des conditions de la rémunération au mérite. Outre ces reculs salariaux, c’est la dégradation constante des conditions de travail qui est remise en cause : départs à la retraite non remplacés et politique de recrutement insuffisante (entraînant donc des gels de postes), perte salariale globale de 19,34 % par rapport aux salariés des autres secteurs, etc.
Le 15 décembre, une nouvelle mobilisation a eu lieu à la Saint-Luc pour dénoncer la décision de l’ARS de couper les financements. Les personnels de la polyclinique ont été rejoints par des Gilets Jaunes et ensemble ont fait signer des pétitions contre la fermeture de l’établissement : https://www.mesopinions.com/petition/sante/fermeture-policlinique-proximite-st-luc-schirmeck/55560. Une réunion doit avoir lieu lundi 17 décembre à l’ARS pour que celle-ci s’explique sur ses choix budgétaires. En attendant l’issue des négociations, et malgré le recul apparent annoncé par l’ARS, nous ne pouvons qu’être solidaires de la lutte des salariés de la polyclinique Saint-Luc. En effet, ils se battent non seulement pour des meilleures conditions de travail et des meilleurs salaires, mais aussi pour défendre le droit à la santé et l’existence de services de soins de proximité.
La Saint-Luc représente notamment deux atouts pour la Vallée de la Bruche : un service d’urgences ouvert 24h sur 24h, et un service de chimiothérapie. Si la polyclinique était fermée, les Bruchois seraient obligés de se rendre à Strasbourg de jour et de nuit en cas d’urgence ou pour une séance de chimio : un parcours d’environ 50 kilomètres, entraînant non seulement des risques évidents pour une bonne prise en charge mais aussi des dépenses de trajet. Rappelons que ce sont annuellement près de 800 chimiothérapies qui sont effectuées à Schirmeck : si le service devait fermer, ce seraient ainsi près de 800 transports en ambulance de la Vallée de la Bruche jusqu’à Strasbourg qui devraient être mis en place.
La menace de fermeture qui pèse sur la Saint-Luc n’est qu’un de nombreux exemples de fermetures et dégradations de services de soins de santé de proximité, se multipliant au fil des années. La gestion capitaliste de privatisation des services publics montrent une fois de plus leurs échecs : le maillage territorial du système de santé, au lieu de se développer, devient de plus en plus insuffisant. Des véritables déserts médicaux sont en train de voir le jour sur les ruines de la politique mercantile en matière de santé. On voit bien la langue de bois des plans du gouvernement lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre concrètement ses préconisations. En effet, dans son plan « Ma Santé 2022 » présenté en septembre 2018, le Ministère de la Santé annonçait un renforcement des établissements de proximité, « essentiels pour leur territoire » et qui « contribuent à un meilleur accès aux soins dans tous les territoires en préservant la qualité de vie des patients qui restent près de leur domicile et de leurs proches ». Cependant, ce plan non seulement nie la notion de service public, mais n’est pas accompagné des recettes nécessaires pour sa mise en œuvre : le projet de loi de la Sécurité Sociale 2019 ne fait qu’aggraver l’austérité qui touche déjà de plein fouet les hôpitaux. Ainsi, du fait des choix budgétaires du gouvernement, les préconisations du plan santé sont destinées à rester lettre montre, comme le montre d’ores et déjà le cas de la Saint-Luc.
Comment peut-on parler de droit à la santé lorsque les hôpitaux, les EHPAD et les cliniques sont gérés comme n’importe quelle entreprise, lorsqu’ils subissent des coupes budgétaires permanentes, lorsque le personnel subit des dégradations majeures dans ses conditions de travail ? Le capitalisme montre une fois de plus qu’il est structurellement incapable d’assurer le droit à la santé pour tous. Le recours à une gestion privée des établissements n’a fait qu’aggraver la situation. L’heure est alors à la mobilisation contre les ravages du capitalisme dans les services de santés comme dans l’ensemble des services publics. Ne soyons pas dupes : ce ne seront pas les logiques de libéralisation et de privatisation qui sauveront nos établissements de santé de la crise structurelle qu’ils traversent, et ce malgré les pansements que quelques réformes partielles pourraient apporter ici et là. Seul le renversement du système capitaliste et l’établissement du socialisme permettront d’enrayer une fois pour toutes les conditions dramatiques du système de santé français et des conditions de travail de son personnel, et permettront d’imposer un droit à la santé véritable, financé à la hauteur des besoins réels dans le cadre d’un système de santé 100 % publique, de qualité et de proximité.
Mouvement des Jeunes Communistes du Bas-Rhin