À Erstein et ailleurs : combattons les suppressions d’emplois et les fermetures d’usines !

Publié le 29 Juin 2019

À Erstein et ailleurs : combattons les suppressions d’emplois et les fermetures d’usines !

La crise du sucre français : une responsabilité des monopoles

La filière sucrière française connaît à l’heure actuelle une crise sans précédent. En octobre 2017 le système de quota-sucriers de l’Union Européenne a été supprimé, et le patronat européen a incité délibérément à la surproduction de betteraves afin d’inonder le marché mondial et faire grimper ses bénéfices. Cependant, les entreprises françaises n’ont pas été capables de faire les comptes et de prévoir l’impact de la conséquence la plus basique de cette libéralisation : la concurrence de plus en plus véhémente provenant d’Inde, de Thaïlande et du Brésil, pays qui ont stimulé davantage l’exportation des excédents, mais aussi la concurrence intra-européenne issue de pays qui accordent davantage d’aides aux betteraviers, tels la Pologne, la Grèce, l’Italie, la République Tchèque et l’Espagne. Dans un tel contexte, la production excédentaire ne pouvait avoir comme conséquence qu’un effondrement du prix : les cours mondiaux du sucre ont baissé de près de 30 %, au plus bas depuis 10 ans, et en France, après une mauvaise campagne betteravière de 2018-2019, le prix de la tonne du sucre s’est effondré de 700 à 300 euros. Les deux monopoles français Tereos et Cristal Union, ainsi que l’allemand Sudzucker, ont subi d’importantes pertes financières et des baisses des chiffres d’affaires inédites, mais veulent faire payer aux travailleurs les conséquences de leurs choix délibérés, de leur mauvaise gestion et de leur incapacité prévisionnelle. Profitant de cette situation qu’il a donc lui-même généré, le patronat sucrier veut maintenant préserver à tout prix son taux de profit et rassurer les marchés financiers, en restructurant sa production via des fermetures d’usines, des reclassements arbitraires et des licenciements de masse.

Tereos, leader français réunissant 12.000 associés coopérateurs, employant à ce jour 25.000 salariés et propriétaire des marques La Perruche et Beghin Say, est celui qui s’en porte le mieux : il se trouve « seulement » en situation d’impayé à l’égard d’un nombre considérable de planteurs. Quant à Sudzucker, leader mondial et détenteur de la marque Saint Louis Sucre, il entend privilégier ses productions allemandes et est-européennes et sacrifier ses établissements français : au printemps 2020, le groupe va fermer les sites de production de Cagny (14) et d’Eppeville (80) ainsi que le site de conditionnement de Marseille (13). A Cagny et Eppeville seraient maintenus des silos avec 10 salariés sur chacun des sites ; à Marseille, où l’activité de raffinage avait déjà été arrêtée en 2015, seul l’atelier de sucre liquide serait maintenu avec à peine 5 salariés contre 56 actuellement. Au total, le plan de réorganisation va supprimer 130 emplois, et Sudzucker persiste actuellement à faire obstruction à tout plan de reprise de ses sucreries françaises. Mais là où la crise se fait sentir le plus est chez Cristal Union, qui réunit depuis 2000 quelque 10.000 coopérateurs et détient une quinzaine de sites en France. Après avoir revu à la baisse la rémunération des producteurs de betterave de 27 à 22,9 euros/tonne, Cristal Union a annoncé le 17 avril dernier un plan de restructuration menaçant trois sites et plus de 300 emplois. Il va d’abord, courant 2020, fermer et mettre en vente les deux sucreries les plus anciennes de France : les sites de Bourdon à Aulnat (63) et de Toury (28), producteurs de la marque Daddy. Ensuite, à partir de la campagne betteravière de 2020-2021, il va procéder à une mise en arrêt partielle de l’atelier de conditionnement d’Erstein (67) et le recentraliser à Bazancourt (51) où, rappelons-le, en 2012 deux ouvriers sous-traitants, dépourvus par les patrons du site de toute formation adéquate, avaient trouvé la mort écrasés par des blocs de sucre alors qu’ils décollaient les plaques de sucre des parois d’un silo avec des barres à mine. Si les salariés directement concernés par le plan de Cristal Union sont 96 à Aulnat, 150 à Toury et environ 70 à Erstein, les fermetures vont impacter par ailleurs un millier d’emplois indirects dans les trois bassins. Et pour les salariés qui ne seront pas directement licenciés, le risque du reclassement sur d’autres sites, plus éloignés, est particulièrement élevé : comme toujours, ce dispositif n’est qu’un chantage patronal, puisque soit le salarié accepte de changer de ville, de voir se dégrader ses conditions d’emploi et d’effectuer un travail pour lequel il n’est pas qualifié, soit il est contraint à la démission. De plus, rien n’assure à l’heure actuelle que les sites qui accueilleront les reclassés ne fermeront pas eux aussi dans un futur proche, dans le cadre d’un énième « plan social », si la crise devait durer plus longtemps que prévu. Dans le site emblématique d’Erstein, qui a marqué des records de production à l’automne dernier, les emplois en jeu représentent 1/3 des 220 salariés de l’usine, et la CGT remarque correctement qu’il n’y a pas de garantie véritable sur le maintien de l’emploi des 2/3 d’ouvriers restants affectés à la production. De ce fait, c’est l’ensemble de la production sucrière alsacienne qui est menacée intégralement. La direction du site d’Erstein ne communiquera que fin août les résultats de son étude de plan social, et ce sera seulement à ce moment-là que le nombre exact de licenciements et reclassements sera connu.


 

Un prix lourd et des conséquences graves pour tous les travailleurs

Au-delà des conséquences dramatiques pour des centaines d’emplois, les restructurations prévues dans la filière betterave-sucre et la fermeture d’usines clés de bassins déjà très précaires, vont avoir un impact désastreux en bien d’autres domaines qui en sont dépendants. À la restructuration sucrière suivrait une reconversion agricole forcée et touchant quelques milliers de paysans : il s’agirait de trouver de nouveaux débouchés – plus éloignés – susceptibles de racheter la production de betterave, ou bien de supprimer tout court celle-ci et de procéder à son remplacement. Si la première option est envisageable dans le bassin de Toury, dans celui d’Aulnat c’est la deuxième qui s’imposerait, signant la disparition d’une filière bicentenaire dans la région et la perte de leur métier pour 450 paysans. Quant à Erstein, de l’avenir de la sucrerie dépend celui de près de 600 betteraviers alsaciens et mosellans. Les fermetures de sites représentent en outre un problème majeur pour le travail des saisonniers et des transporteurs, pour les commerces de proximité, pour les éleveurs qui font recours à la pulpe de betterave, pour les entreprises curant les bassins et l’entretien des machines, ainsi que pour celles qui utilisent l’eau de lavage de la betterave pour la fabrication d’acides à base biologique. Par ailleurs, la recentralisation du conditionnement à Bazancourt aurait un effet néfaste pour l’environnement du fait de l’augmentation prévisible du transport routier, mais impliquerait également une baisse de la qualité du sucre, la betterave ne supportant pas de longs trajets. De plus, toute attaque à la production sucrière alsacienne est une attaque à la culture populaire et ouvrière de notre région, et aux manifestations qui y sont liées et qui attirent chaque année un nombre important de visiteurs, à l’image notamment de la Fête du Sucre d’Erstein.

Ainsi, les plans sociaux qui sont décidés en tenant compte seulement de la rentabilité des groupes sucriers sont non seulement une boucherie sociale, mais tout à fait fatales pour des bassins productifs entiers qui seraient condamnés à devenir des déserts d’emplois. Le patronat sucrier avoue lui-même n’avoir à l’esprit que des calculs de court-terme et des arguments conjoncturels, et savoir très bien que la crise actuelle n’est que passagère : en effet, les patrons sont d’accord qu’une hausse des cours mondiaux est à prévoir prochainement. Dès lors, il est clair que le patronat instrumentalise la mauvaise année qu’il vient de passer pour justifier l’adoption de plans de destruction de l’emploi : en vrai, ceux-ci étaient en préparation depuis bien longtemps, preuve en est le manque d’investissements de R&D et de mesures de réaménagement en faveur des parties vétustes des sites qui sont aujourd’hui menacés. Comme toujours, le patronat privilégie la productivité aux conditions des producteurs, privilégie sa rentabilité financière immédiate et le maintien de sa compétitivité, quitte à réduire le pays en friche industrielle, à créer des conditions de travail intenables et à généraliser la misère.


 

Pour la classe ouvrière, la riposte s’impose

Face à cette politique patronale prévisible, la colère ouvrière gronde légitimement. Des assemblées, des débrayages et parfois même des blocages se multiplient dans l’ensemble des sites concernés. A Erstein notamment, après le succès de la mobilisation locale du 30 avril, la présence importante des salariés du site à la manifestation du 1er mai à Strasbourg et au rassemblement du 4 juin devant le Ministère de l’Agriculture, la journée de lutte du 28 juin est un nouveau round pour aller à l’offensive.

La Jeunesse Communiste du Bas-Rhin apporte son plein soutien aux ouvriers et paysans de la filière betterave-sucre en lutte pour la défense de leurs emplois ainsi qu’à leurs organisations syndicales. Nous soutenons l’ensemble des propositions formulées par la CGT-FNAF (Fédération Nationale Agroalimentaire et Forestière) pour atteindre dans l’immédiat à un maintien de l’emploi et de l’outil de production : la recherche rapide de repreneurs, l’ouverture d’une table-ronde parmi l’ensemble des partenaires concernés, la prononciation par les pouvoirs publics d’un moratoire sur toutes les fermetures de sites et toutes les suppressions d’emplois, la mise sous tutelle publique de l’industrie sucrière afin de garantir la souveraineté alimentaire nationale. Cependant, ne soyons pas dupes : dans le système capitaliste, il n’existe pas de reprise miraculeuse ni d’emplois vraiment sauvés. Comme le rappelle la CGT-FNAF dans son texte d’orientation adopté en 2017 : « Le système capitaliste pressure les salariés dans chaque entreprise. La logique même du capitalisme est ordonnée uniquement par la recherche effrénée du profit. Cette logique est mortifère. Dans ce profond mouvement qui travaille la société, le lien dialectique existant entre le mouvement de la société et les exigences de la lutte immédiate et à plus long terme sont indissociables. La toile de fond de cette réalité violente pour les peuples reste bien que le capitalisme a fait son temps. Mais il ne tombera pas de lui-même comme un fruit mûr. La lutte, seule, est efficace. […] Toute autre option nous conduirait immanquablement à nous inscrire dans la pensée unique dominante, opinion qui chloroforme le peuple et sa partie la plus combative et consciente : la classe ouvrière. […] Tous ceux qui ont essayé les chemins de traverse se sont retrouvés dans l’acceptation d’un "dialogue social" qui de fait n’est qu’un monologue patronal. La démonstration est faite que le renoncement à une telle analyse de la société et des rapports sociaux de production capitalistes conduit à livrer pieds et poings liés les travailleurs à la domination patronale. Le réformisme est partie prenante de ces stratégies développées depuis des décennies ».

La sauvegarde du taux de profit immédiat de la part des actionnaires va créer des déserts d’emploi et jeter des centaines de salariés et leurs familles dans le chômage, la précarité et la misère ! Ce n’est pas aux travailleurs de payer les politiques spéculatives et court-termistes des monopoles ! Ce sont les travailleurs qui ont créé les richesses que les actionnaires s’approprient, et ces richesses leur reviennent !


 

Conformément à l’orientation révolutionnaire et de classe de la CGT-FNAF, la Jeunesse Communiste du Bas-Rhin réaffirme que l’ensemble des secteurs clés de l’économie française, dont le secteur agro-alimentaire, doivent faire l’objet d’une nationalisation démocratique et d’un contrôle ouvrier sur la production. Ce ne sera que par le renversement du système capitaliste et par l’établissement du socialisme par les travailleurs que nous pourrons trouver enfin une sécurité et dignité de l’emploi hors de toute logique de rentabilité, et que nous pourrons jouir pleinement des richesses produites par nous-mêmes.

Pour la révolution et le socialisme, organise ta colère !

Jeunesse Communiste du Bas-Rhin


 

https://www.bastamag.net/Au-proces-de-Cristal-union-juge-pour-deux-accidents-mortels-Ils-ont-essaye-de 

https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/sucre-la-fin-dune-crise-exceptionnelle-en-vue-1023895 

http://www.lefigaro.fr/societes/2019/02/14/20005-20190214ARTFIG00289-saint-louis-annonce-la-fermeture-de-deux-sucreries.php 

https://www.dna.fr/edition-d-erstein-et-de-benfeld/2019/06/28/mobilisation-a-la-sucrerie-d-erstein 

http://www.fnafcgt.fr/ 

 

Voir aussi le communiqué commun de nos camarades du Parti communiste de Belgique (PCB-CPB) et des section du Parti communiste français de Saint-Quentin, Gauchy et Val d'Origny, du 11 juillet 2019 : Mobiliser pour repousser l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur

Rassemblement contre le plan social à la sucrerie d'Erstein, 28 juin 2019Rassemblement contre le plan social à la sucrerie d'Erstein, 28 juin 2019
Rassemblement contre le plan social à la sucrerie d'Erstein, 28 juin 2019Rassemblement contre le plan social à la sucrerie d'Erstein, 28 juin 2019

Rassemblement contre le plan social à la sucrerie d'Erstein, 28 juin 2019

Publié dans #Mouvement social

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