LUTTE DES CLASSES SOUS CONFINEMENT : Les secours et la santé
Publié le 30 Mars 2020
Alors que le pic épidémique du Covid19 est encore à venir pour la France, le confinement garde encore un cadre flou et différents secteurs ne sont pas mis à l’arrêt et exigent toujours la présence des travailleurs. Si certains secteurs tournent toujours alors qu’ils ne sont pas essentiels à la tenue du confinement (BTP, industrie automobile, livreurs à vélos…) d’autres secteurs sont bien forcés par les événements de tenir leur activité. Mais dans quelles conditions ?
Au “front”, des précaires...
En première ligne dans cette “guerre” contre l’épidémie, ce sont les travailleurs de la Santé et des Secours. On pense bien sûr aux personnels médecins et infirmiers, mais il s’agit également des secouristes, des pompiers, des ambulanciers, réquisitionnés pour intervenir directement sur le terrain. Le caractère primordial de leur travail semble évident, et pourtant ce secteur tourne avec difficulté, coupé de ses moyens depuis de nombreuses années, étouffé par des exigences de rentabilité incompatibles avec la nature même de ce service, dans un contexte de précarisation galopante des travailleurs.
En effet, les services de secours ont de plus en plus recours à des emplois précaires ou même à des associations de “bénévoles” : du travail qui échappe au cadre du salariat et permet de sous-payer les travailleurs, de les maintenir en situation de dépendance économique, et ce tout en baissant artificiellement les chiffres du chômage pour Pôle Emploi. Pourtant, le travail fourni reste le même.
*Son prénom a été modifié car il lui est interdit de s’exprimer publiquement pendant la crise actuelle
Tu es en service civique dans une association de secourisme en ce moment, quel est exactement ton statut et en quoi consiste ton travail dans ce service ? Arrive-tu à subvenir à tes besoins avec ta rémunération pour ce travail ?
« Je suis volontaire en service civique. Les missions des services civiques sont diverses : missions de secours, soutien aux populations et formations. Nous effectuons des permanences dans les bases et assurons en partie l'entretien des locaux. J'ai un contrat d'engagement de 9 mois au sein de l'association avec un "salaire" de 577 euros mensuels. Cette solde restera toujours stable, peu importe les heures, risques ou rythme de travail. J'arrive à subvenir à mes besoins grâce une petite aide familiale. Dans mon contrat il est stipulé que je travaille 28h par semaine en moyenne sur le mois, donc variable. »
Quels étaient les risques que tu pouvais déjà rencontrer dans ton travail avant cette crise ? Est-ce que des choses ont changé depuis le début de l’épidémie, des mesures particulières ont-elles été prises ?
« Les risques que je pouvais rencontrer étaient dans les missions de secours (conduite d'urgence, faux mouvements lors d'un brancardage ou un déplacement de matériel, ...). Sur ça rien n'a vraiment changé car ça reste les risques intrinsèques au monde du secourisme. Par rapport à l'actuelle crise le risque à l'exposition virale est bien sûr présent mais les protocoles stricts et le port d'EPI réduisent ce risque. Les mesures de confinement ont été adaptées au travail. Les locaux sont désinfectés et les équipes sont réduites. Nous avons aussi des attestations dérogatoires lors de nos déplacements. »
Es-tu au courant des stocks de matériel de protection (masques, gants, …) dans ton travail ? Penses-tu que les mesures prises sont suffisantes et que la situation sera tenable sur le long terme en cas de prolongation de la crise ?
« Nous avions pas mal de stocks mais nous avons donné une partie pour les hôpitaux et le reste nous le gardons pour nos missions. Les mesures prises sont des demi-mesures. Le gouvernement veut maintenir des entreprises ouvertes afin de verser des dividendes et en même temps refuse la nationalisation et la réquisition d'entreprises stratégiques pour le matériel médical. Je pense aussi que le personnel soignant, les sapeurs-pompiers vont finir épuisés par des gardes trop longues qui pallient le manque de personnel. [...] Les décisions du gouvernement sont une honte. Le manque de planification des crises et la destruction de l'hôpital public ne peuvent mener qu'à plus de morts. »
Une situation tendue depuis longtemps
Cette crise ne fait que mettre en lumière une situation sous tension qui pré-existait depuis longtemps. Si le service des secours, pompiers, ambulanciers et autres est un besoin pour la société, du point de vue de la production marchande cela n’a d’intérêt que s’il est possible d’en tirer des profits. Il y a une contradiction évidente et irrésoluble entre la question du secours, des vies humaines, et la question d’une rentabilité, d’une marchandisation de ce besoin social. Cela se traduit par un service sous-dimensionné, un manque sévère de moyens, une précarisation des travailleurs et, in fine, des vies humaines sacrifiées au nom du profit capitaliste.
Tu as été pompier volontaire et à la protection civile dans différentes villes pendant 9 ans, notamment à Strasbourg. Avec ce statut, quelles étaient tes tâches et la charge du travail ?
« J'ai été pompier volontaire à Bouclans dans le Doubs, à Strasbourg j'étais à la Protection civile. En tant que volontaire chez les pompiers on fait exactement pareil que les pros, la seule différence c'est notre statut et la paye, donc on fait de l'incendie, du secours routier et du secours à personne... Un capitaine peut très bien être un volontaire ; en général en campagne il n'y a que des volontaires, les professionnels ne sont présents qu'en ville. [...] Il y avait 4 équipes dans ma caserne, donc on était de garde (présents le week-end et toutes les nuits de la semaine) 1 semaine sur 4. En journée, il y avait ce qu'on appelle les astreintes, c'est à dire que tous les pompiers disponibles peuvent être bipés [...]. A la Protection civile c'est un peu différent, déjà presque tout le monde est bénévole, à part quelques salariés dans certains départements, à qui s'ajoutent des services civiques. Celle du Bas-Rhin est différente des autres, déjà parce qu'elle est très grosse comparé à celles d'autres départements, et de plus elle a des conventions avec les plupart des services relevant de la sécurité et des secours. Par conséquent la gendarmerie, les pompiers et le SAMU peuvent missionner l'ADPC (Association Départementale de la Protection Civile). Ainsi l'ADPC 67 partait souvent en "carence SAMU" : le SAMU lorsqu'il est débordé missionne les pompiers, et lorsqu'ils sont débordés aussi ils missionnent l'ADPC, et croyez moi ça arrive souvent, et je suppose qu'en ce moment ça doit être tous les jours. »
As-tu souvent vécu ou observé des situations où les conditions de sécurité n’étaient pas respectées par manque de moyen ou de temps ?
« Souvent non, mais ça arrive. Bon évidemment de base il s'agit d'un domaine où il y a des risques, les incendies, les contaminations et surtout sur la route. L’urgence des missions provoque parfois des risques sur le trajet. Mais pour citer des exemples précis… Face aux fumées les pompiers ont des ARI (Appareil Respiratoire Isolant), c’est la bouteille d'air qu'ils ont dans le dos. Une bouteille ne dure vraiment pas longtemps, donc il m'est déjà arrivé de manquer de bouteilles, et d'intervenir sans, dans un incendie avec des fumées toxiques, et avec parfois de l'amiante, c'est très mauvais pour la santé. Aussi dans chaque ambulance il y a du matériel pour se protéger d'éventuelles contaminations, lorsqu'on intervient sur des personnes malade par exemple. Le problème c'est qu'on ne les équipe que si ont à été prévenu à l'avance, donc il m'est déjà arrivé d'intervenir sur une personne malade sans protection, et d'apprendre ensuite que cette personne avait été mise en quarantaine. Il serait donc très incorrecte de dire que les services de secours sont immunisés à la contamination. Je ne parle pas là du Covid-19, car dans des crises sanitaires comme en ce moment, il y a des mesures spéciales. »
D’après toi, le service des secours avant la crise actuelle fonctionnait-il de manière normale, stable, ou bien y avait-il déjà des failles importantes ?
« Pour moi il y avait déjà des failles importantes, un manque de personnel et de moyens. Par exemple comme je l'ai dit plus tôt, il y a souvent des carences SAMU. En mission à la radio on m'a déjà dit que j'étais la dernière ambulance disponible de la ville. Pour une grande ville comme Strasbourg ça représente un très gros risque pour les habitants tout comme pour nous. On essaie d'enchaîner les missions le plus rapidement possible pour libérer des ambulances, mais du coup on prend des risques sur la route et dans nos gestes. Les plus grandes failles sont pour moi dans les hôpitaux, lors des carences. Il arrive très souvent qu'on attende plusieurs heures dans les couloirs avec les victimes sur les brancards car il n'y a plus de lits disponibles. Il m'est arrivé de devoir attendre plus de 3 heures avant de pouvoir transférer la personne que je prenais en charge sur un lit d'hôpital. Le manque de lits est affolant, surtout quand on a une victime dans un état préoccupant. Donc même les secouristes, les ambulanciers et les pompiers doivent attendre dans les couloirs, et pendant ce temps là il ne peuvent pas secourir d'autres personnes. De plus il manque clairement des moyens humains. Il m'est arrivé d’entrer dans un service d'urgence avec une seule infirmière pour plus de 30 personnes, j'en ai vue fondre en larmes devant moi à cause de la pression. Les infirmières sont constamment en sous effectif, et parfois le manque de places nous oblige à aligner les lits d'hôpital, sans séparation : l'autoroute pour les maladies contagieuses... »
Tu es mobilisable aujourd’hui pour compléter les forces engagées pour gérer l’épidémie : quel est ton ressenti par rapport à cette éventualité ? Selon toi, quelles sont les mesures immédiates à prendre pour assurer que le service des secours et les travailleurs mobilisés puissent tenir la crise ?
« Malgré le fait que je ne suis plus pompier, je suis actuellement mobilisable à Besançon. J'ai reçu un mail de Pôle Emploi demandant aux personnes ayant un parcours dans ce domaine de se porter volontaires [...]. J'ai déjà mis en place des cellules de crise à Strasbourg donc je suppose que mon nom devait déjà être cité quelque part, j'ai accepté et j'attends toujours des instructions pour le moment. Ça ne me pose pas vraiment de problème d'être mobilisé, au contraire. Du moment qu'on est sûr qu'on ne nous envoie pas à l'abattoir dû au manque de moyens, je serai toujours volontaire, mais pour le moment rien n'est certain, on ne sait pas du tout comment ça va se passer. Malheureusement je ne saurais dire quelles mesures immédiates peuvent et doivent être prises, car ce qui prime c'est la prévention, sauf que c'est un peu trop tard. Cela fait des mois et des mois que le personnel hospitalier et de secours le fait savoir, on leur a répondu à coup de matraque et de lacrymo. L'idéal aurait été des réserves de moyens matériels, et plus de personnels. C'était déjà nécessaire avant, ça l'est encore plus maintenant. Même en étant optimiste, je ne vois pas comment les services de secours et les travailleurs mobilisés vont pouvoir tenir, à moins que la situation se stabilise, ce qui n'est clairement pas le cas. »
Nous sommes en guerre… de classes !
Pour être capable de supporter des crises comme celle-là, nous avons un besoin vital de services publiques fonctionnels pour la Santé et les Secours notamment. Puisque de tels dispositifs entrent en contradiction avec les logiques de rentabilité du capital, seule la lutte pourra imposer le respect de nos besoins sociaux. Soyons prêt dès maintenant à reprendre le combat, à tenir à nouveau la grève, pour faire ployer les criminels qui nous gouvernent !
Exigeons que les 300 milliards débloqués par le gouvernement pour renflouer les pertes des grandes entreprises soient investis dans les hôpitaux publics à la place. Aux entreprises et aux banques de piocher dans leurs capitaux gigantesques pour amortir leurs pertes : Nous ne paierons pas !
Exigeons une titularisation de tous les précaires de la Santé et des Secours, et une hausse généralisée des salaires : Le gouvernement demande des semaines de 60h, des journées et des nuits de travail de 12h, nous demandons plus de personnels pour partager la charge de travail avec un salaire digne !
Pour un service publique de la santé et une sécurité sociale intégrale gérée par les travailleurs !
Organise ta colère !