Féminiser les mots, ou détruire patriarcat et capitalisme ?

Publié le 17 Novembre 2017

Féminiser les mots, ou détruire patriarcat et capitalisme ?

A l'heure où les femmes prolétaires restent sous-payées par rapport aux hommes, où le harcèlement et les violences sexuelles sont toujours plus présentes dans les lieux de travail et de vie des travailleuses, et que celles-ci restent doublement exploitées à la maison et au travail... la question du jour est la féminisation des mots.

Comme toujours, celles qui portent ce genre de revendications, les féministes bourgeoises, n'ont rien compris, et apparemment les diverses organisations gauchistes continuent à les suivre dans cette voie. Il est ici question de forme : devons-nous améliorer la forme avant le fond ? Les bourgeoises répondent que oui, car elles sont comme toujours incapables de comprendre le fond du problème du patriarcat, ou de s'en approcher même un peu dans l'analyse. Celles-ci sont comme toujours dans l'erreur, et cela à cause des mêmes intérêts qu'elles partagent avec la classe bourgeoise. 

Ces féministes s'offusquent de la grammaire sexiste par le fait que le masculin l'emporte sur le féminin. Mais il n'est pas étonnant que la grammaire fasse primer le masculin si le système est patriarcal ! Ce n'est pas la grammaire qui rend le système patriarcal, mais c'est celui-ci qui produit un effet notamment sur la grammaire. Il ne faut donc pas lutter contre la grammaire, mais lutter contre le patriarcat ! Seule sa destruction totale pourra faire disparaître ses effets.

Il n'est pas nouveau que les féministes bourgeoises préfèrent lutter contre les effets, et donc contre du vent : lorsqu'elles se scandalisent pour les images de femmes sur les boîtes d'aspirateurs ou dans les pubs en général, c'est la même chose, ce n'est qu'un effet du patriarcat. Oui, les femmes font plus de tâches ménagères que les hommes, c'est une conséquence du patriarcat et pas juste un sexisme intrinsèque dans les dessins. Il n'y a aucun intérêt à lutter contre les pubs sexistes sans lutter contre la division du travail qu'elles représentent. Mais les bourgeoises négligent cette dimension car leur oppression est différente de celle des travailleuses : n'ayant pas les mêmes conditions économiques, elles ne subissent que le sexisme et non pas l'exploitation genrée au sein du capitalisme ; et même le sexisme les touche moins, car elles sont protégées de certains effets : par rapport aux tâches domestiques, par exemple, elles peuvent engager une prolétaire pour faire leur ménage.

Les féministes bourgeoises pensent ainsi qu'atteindre l'égalité parfaite dans la forme, dans les lois, résoudrait le problème du sexisme. Pourquoi alors malgré le droit de vote des femmes, le droit des femmes à travailler, la pénalisation des viols et des agressions sexuelles... la femme n'est toujours pas égale à l'homme ? L'incapacité des féministes bourgeoises de répondre à cette question est le symptôme de leur incapacité totale de constater que l'oppression se fait économiquement et socialement. Ce féminisme est ainsi voué à l'échec continu. Enlever la masculinisation résoudrait le problème du sexisme ? Non, il s'agirait d'une avancée purement formelle. Il en est de même avec la lutte de classes en général : aujourd'hui la société de classe n'est pas inscrite en tant que telle dans la loi, il n'y a pas un esclavage écrit noir sur blanc, ce sont les rapports de production qui constituent la base matérielle de l'exploitation des patrons sur les travailleurs. Si aujourd'hui on luttait pour que les dénominations de métiers tels qu'agents d'entretien, caissiers, éboueurs, etc. ne soient plus utilisés négativement dans le vocabulaire, cela changerait-il quoi que ce soit à l'exploitation réelle qu'ils subissent ? Non, cela serait une question purement formelle : du vent.

Pour se défendre des accusations quant à leur inutilité, en faisant tout pour éviter le vrai débat théorique, les féministes bourgeoises nous accusent, nous communistes, de n'être que des hommes, de ne pas s'intéresser aux questions féminines, etc. Il est peut-être temps de rétablir la vérité, de réaffirmer ce que nous, femmes prolétaires et communistes, et donc porteuses d'un point de vue de classe, avons apporté à l'avancement des droits des femmes au cours de ces deux derniers siècles.

Il est nécessaire de rappeler que les communistes ont lutté bien avant les bourgeoises pour le droit fondamental des femmes : le droit de vote pour toutes. Les communistes ont porté cette revendication de manière complète et sans compromis, puisque nous luttions pour le suffrage universel pour tous, à l'heure où les féminismes bourgeois ne parlaient qu'à demi-mot d'un accès au suffrage censitaire des femmes, donc que pour leur droit à elles ! Nous, au contraire, nous nous sommes battues pour que bourgeoises comme prolétaires puissent accéder au droit de vote. Et cela, parce que notre point de vue est celui le plus universel : c'est celui des plus exploités et non celui d'une partie des exploiteurs. Rappelons également que la Journée du 8 mars était l'une des idées de Clara Zetkin pour que chaque année une journée soit consacrée aux femmes, et avec comme priorité de combat le droit de vote. Aujourd'hui, cette journée est récupérée par les féministes bourgeoises, mais c'est bien durant la conférence internationale des femmes socialistes de Copenhague en 1910 que cette proposition fut adoptée, et l'année d'après les ouvrières étaient en première ligne pour revendiquer leurs droits !

Le combat de la communiste allemande Clara Zetkin porta ses fruits, puisqu'en 1918 le droit de vote fut accordé aux femmes allemandes, soit 27 ans avant la France. Rappelons encore qu'en 1917, lors de la Révolution russe, les bolcheviks n'accordèrent pas seulement le droit de vote aux femmes, mais promulguèrent le Code de la famille le plus avancé au monde : légalisation et facilitation du divorce, réglementation égalitaire de la garde des enfants, établissement du mariage civil et des « unions de fait », égalité des droits pour les enfants nés hors mariage, instauration de la procédure de recherche en paternité, etc.

Le problème principal de la lutte telle qu'elle est conçue par les féministes bourgeoises, c'est qu'elles prétendent vouloir libérer le sexe féminin de son oppression tout en gardant leurs privilèges de bourgeoises et d'exploiteuses de la classe laborieuse. Mais il n'y a aucun intérêt pour nous, femmes prolétaires, à ne plus être opprimées en tant que femmes si notre exploitation économique, de classe, ne cesse pas elle aussi. Alors, nous le disons haut et fort : les féministes bourgeoises ne luttent que pour leurs intérêts à elle !

Pour ce qui est des organisations gauchistes, l'exemple de la priorisation qu'elles accordent à la féminisation des mots nous montre leur détachement progressif des exigences réelles des femmes prolétaires : leur perte totale d'un point de vue de classe détermine leur rapprochement inévitable à la petite bourgeoisie, avec comme effet néfaste la division de la classe exploitée sur des bases de genre et non pas sur des bases de classe.

Quant à nous, nous luttons avec l'ensemble de la classe des prolétaires pour aboutir à la destruction des classes, de toutes les oppressions et les formes d'exploitation. Pour abolir la division genrée du travail, notre moyen de lutte prioritaire est la grève dans le but d’une égalité positive : grève économique pour l’égalité sur le lieu de travail, grève politique pour l’égalité des droits sociaux et civils, grève du sexe et des tâches domestiques pour l’égalité dans le cadre familial. La libération des femmes, de toutes les femmes, ne commencera qu'avec le renversement du système capitalisme et le début du socialisme. Dans ce contexte révolutionnaire préalable à toute libération de sexe, nous, femmes de la classe opprimée, devons lutter dans le processus du socialisme côte à côte avec les hommes, le combat révolutionnaire ayant besoin de toutes les femmes ouvrières et travailleuses pour aboutir à la fin de notre exploitation.

Enfin, pour que cela soit clair pour tous, il n'est pas question pour nous bien évidemment de s'opposer à la féminisation des mots. Il est simplement question d'affirmer que cette lutte ne nous intéresse pas, elle est bourgeoise et surfaite. Il existe des questions prioritaires dans la libération des femmes : celle-ci passe par lutter pour le socialisme et par s'organiser à l'intérieur de cette lutte. Seules les femmes prolétaires ayant le point de vue le plus complet et universel, du fait de leur totale exploitation, amèneront à terme l'égalité totale des femmes et des hommes, suite à l'abolition totale des classes.
 

Jeunes Communistes du Bas-Rhin

Publié dans #Féminisme

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