Note explicative du film "Rosa L."

Publié le 7 Mars 2017

Note explicative du film "Rosa L."

[Note explicative de l'UEC Strasbourg pour la projection/débat de ce soir du film Rosa L., dans la cadre de l'édition 2017 de la Semaine du féminisme]
 

Ce film biographique met en scène plusieurs moments de la vie de Rosa Luxemburg. Ce long-métrage a été réalisé par Margarethe von Trotta, qui était à l'époque une Allemande de l'Ouest. Il faut savoir qu'en 1956 le Parti communiste allemand (KPD), l'organisation qu'avait crée Rosa Luxemburg avec Karl Liebknecht le 31 décembre 1918, avait été interdit dans cette partie de l'Allemagne. Ce qui a obligé les militants communistes d'animer un Parti devenu désormais clandestin. C'est seulement après une phase appelée de « Détente » dans les relations Est-Ouest, commençant au début de l'année 1963 après la crise des missiles de Cuba et s'achevant en 1980, que le KPD peut retrouver des marges de manœuvre pour une propagande légale.

C'est en 1986 que ce film est sorti dans les salles de cinéma. Rosa Luxemburg est interprétée par Barbara Sukowa, qui a notamment reçu pour ce rôle le Prix de l'interprétation féminine de l'année lors du Festival de Cannes de 1986.

Rosa Luxemburg est une révolutionnaire, une militante et théoricienne marxiste, qui a eu un rôle fondamental dans le développement du socialisme tant allemand qu'internationale et dans la lutte pour la paix entre les peuples.

Née Polonaise dans l'empire russe, c'est sous le régime autocratique du tsarisme que Rosa Luxemburg fait ses premières expériences militantes, en créant notamment la SDKP (Social-Démocratie du Royaume de Pologne) qui sera reconnue par la Deuxième Internationale en 1896. Ce parti a été crée notamment en opposition au PPS (Parti socialiste polonais) jugé trop nationaliste. Dès les "débuts militants" de Rosa Luxemburg on observe sa position originelle sur la question du principe d'autodétermination : selon elle, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes s'accomplit réellement dans la révolution prolétarienne et non dans la création d'un Etat-national bourgeois. Une position qu'elle gardera tout au long de sa vie et même lors le la Révolution russe d'Octobre 1917.

Peu de temps après, au début du XXe siècle, Rosa Luxemburg s'installe à Berlin et mène différentes activités dans la social-démocratie allemande (SPD). Elle se découvre tout de suite un talent pour l'agitation politique, mais aussi dans les polémiques internes et externes au SPD.  Elle fait une première fois de la prison en 1904 pour avoir critiqué dans un discours le kaiser Guillaume II. Après sa courte peine, la Révolution russe de 1905 éclate. C'est alors que Rosa Luxemburg rejoins Varsovie pour participer à un mouvement insurrectionnel en Pologne Orientale. Arrêtée avec Leo Jogiches, elle frôle l'exécution. Un temps assignée à résidence, puis libérée sous caution en tant que citoyenne allemande, elle regagne Berlin en septembre 1906. Cependant, les répressions contre sa personne continuent : le tribunal de Weimar la condamne à deux mois de prison pour avoir, lors du congrès du SPD en 1905, incité le prolétariat allemand à suivre l'exemple révolutionnaire russe. Elle effectue sa peine en juin-juillet 1907.

A la veille de la Première Guerre mondiale, Rosa Luxemburg milite avec passion contre la guerre et pour l'union internationale du prolétariat. En septembre 1913, elle prononce à Francfort un discours enflammé dans lequel elle appelle les ouvriers allemands à ne pas prendre les armes contre des ouvriers d'autres nationalités. Cela lui vaut, le 20 février 1914, de passer en jugement pour « incitation publique à la désobéissance ». Rosa Luxemburg se défend avec passion et éloquence, ce qui lui attribue une célébrité internationale bien au-delà des milieux socialistes.

Alors que le conflit armé éclate en Europe, la Deuxième Internationale (ou Internationale ouvrière) échoue totalement à définir une politique commune, et les sociaux-démocrates allemands, comme la plupart de leurs homologues européens, votent les crédits de guerre. Rosa Luxemburg, qui doit théoriquement commencer à accomplir en décembre 1914 sa peine de prison, forme avec plusieurs militants, dont Karl Liebknecht, Leo Jogiches, Franz Mehring, Julian Marchlewski (dit Karski), Paul Lévi et Clara Zetkin, le noyau de ce qui devient le Gruppe Internationale, puis par la suite le Spartakusbund (la Ligue Spartacus, ou Ligue spartakiste). Leur appel contre le vote des crédits de guerre, lancé à plus de trois cents dirigeants socialistes, reste quasiment sans réponse, tandis que Rosa Luxemburg commence sa peine de prison en février 1915.

Elle est libérée en février 1916 et reprend aussitôt ses activités publiques. Le 1er Mai 1916, lors d'une manifestation spartakiste à Berlin elle défile aux côtés de Karl Liebknecht qui, en uniforme de soldat, lance le célèbre slogan « À bas la guerre ! À bas le gouvernement ! ». Immédiatement arrêté, il est privé de son immunité parlementaire, traduit devant un tribunal militaire et condamné à quatre ans de prison, tandis que Rosa Luxemburg est aussitôt placée sous surveillance policière. Le 9 juillet 1916, elle est arrêtée et placée en détention administrative.

La Révolution allemande de novembre 1918 permet à Rosa Luxemburg de sortir de prison : une amnistie politique est prononcée le 6 novembre ; elle-même est libérée quatre jours plus tard et regagne seule Berlin, alors que la ville est en pleine effervescence révolutionnaire. Les dirigeants spartakistes se réunissent et fondent, après quelques difficultés pour trouver un imprimeur, un nouveau journal : Die Rote Fahne (Le Drapeau rouge). Rosa Luxemburg y appelle le prolétariat allemand à poursuivre la révolution et à s'organiser pour en prendre la direction. C'est le climat d'agitation révolutionnaire en Allemagne qui aboutit à la formation du KPD. Début janvier 1919, l'agitation politique dans les milieux ouvriers tourne à l'affrontement ouvert quand le préfet de police Emil Eichhorn, membre de l'USPD (Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne), refuse de quitter son poste après le départ des Indépendants du gouvernement et distribue des armes aux ouvriers radicaux. Liebknecht, emporté par le mouvement, croit à la possibilité d'un soulèvement qui renverserait le gouvernement : le KPD forme avec d'autres groupes, dans la nuit du 5 au 6 janvier, un comité révolutionnaire et décide de passer à l'insurrection armée. Rosa Luxemburg juge le mouvement totalement prématuré mais choisit de le soutenir par loyauté via ses articles dans Die Rote Fahne. Le soulèvement, spontané mais sans plan, direction ni organisation, échoue totalement : le ministre de l'Intérieur du SPD, Gustav Noske, est chargé d'organiser la répression, qu'il confie aux milices nationalistes et réactionnaires des Freie Korps (Corps Francs). Ceux-ci écrasent l'insurrection avec une grande brutalité, massacrant les spartakistes qui se présentent porteurs d'un drapeau blanc. Bientôt, tout Berlin est occupé par l'armée. Rosa Luxemburg fait paraître le 14 janvier 1919 son dernier article, amèrement intitulé L'Ordre règne à Berlin.

Le lendemain, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont arrêtés par des Corps Francs et exécutés. Symboliquement, un cercueil vide représentant Rosa Luxemburg est enterré le 25 janvier 1919 en même temps que celui de Liebknecht et de 31 autres victimes de la répression. Un corps identifié comme celui de Rosa Luxemburg est finalement repêché le 31 mai 1919.

Publié dans #Féminisme, #SF, #Mémoire, #Cinéma

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