Note explicative : Journées de la réussite étudiante
Publié le 24 Mars 2015
Note explicative du Collectif national de l'UEC : Journées de la réussite étudiante
I– Le salaire étudiant
- Répondre aux aspirations des étudiants
Les étudiants veulent réussir, pouvoir se former dans de bonnes conditions, mais le système de formation actuel, les problèmes budgétaires et l'archaïsme des bourses les en empêchent. Chaque année 300 000 étudiants échouent en première année, cela veut donc dire que le taux d’échec y est de 50%.
Le salariat étudiant nuit grandement à la réussite à la fac. En effet, près de trois étudiants sur quatre ont un job pour financer leurs études et parmi ces étudiants travailleurs, 66% effectuent cette activité sans aucun lien avec leurs études ; plus de 49% occupant au moins un job à mi-temps. Ce constat est symptomatique de la crise qui touche le milieu étudiant.
Alors que certains n’hésitent pas à vanter les mérites du job étudiant qui aiderait à acquérir l'autonomie financière, les chiffres parlent d'eux-mêmes : de plus en plus d’étudiants sont forcés de se salarier, non par envie « d'indépendance», mais bien par obligation. 69,5% de ceux-ci déclarent que leur activité rémunérée leur est indispensable pour vivre.
Frais d’inscription, loyer, factures, courses, livres et manuels, sorties sont autant de dépenses auxquelles tout étudiant doit faire face en arrivant sur les bancs de l’université. Ces dépenses sont d’autant plus importantes que seulement 7% des étudiants ont accès au logement géré par le CROUS, les autres devant faire appel au privé lorsqu’ils ne peuvent pas rester chez leurs parents.
Face à ce constat, les étudiants communistes proposent une réponse claire avec le salaire étudiant. Les étudiants travaillent : dans les stages, mais aussi en se formant pendant les cours. Mais ce travail n'est pas reconnu : les étudiants ne touchent aucun salaire, et c'est bien ce qui les maintient dans la précarité.
- Comment cela fonctionne ?
Avec le salaire étudiant, les étudiants n’auraient plus besoin de se salarier pour financer leurs études et vivre dignement. Les étudiants travaillent, comme les salariés en formation continue. Les salariés en formation initiale que nous sommes doivent donc toucher un salaire à la hauteur des qualifications.
Le salaire serait attribué à tout étudiant inscrit dans un établissement d’Enseignement Supérieur. Il ne serait pas fonction de ressources, tout comme le salaire que l’on connaît à l’heure actuelle ne dépend de rien d’autre que du poste occupé. Rattaché à la personne, le salaire dépendrait de la qualification de chacun. Une catégorisation « A, B, C » pourrait exister pour la licence, le master, le doctorat, comme pour la fonction publique aujourd'hui.
Le salaire étudiant existe d'ailleurs déjà : les salariés détachés de leur poste touchent un salaire lorsqu'ils partent en formation ; c'est aussi le cas des étudiants de l'ENS ainsi que des enseignants jusqu'en 1992.
Comme expliqué plus haut, ce salaire serait financé par les cotisations sociales patronales. Avec les années, la part du profit dans le PIB n’a cessé d’augmenter au point d’avoisiner les 32% aujourd’hui. Or, si l’on nous rétorque souvent que le profit sert également à financer les investissements productifs, il convient de rappeler que ces derniers représentent pourtant une part de moins en moins importante dans le PIB, au profit de l’épargne. Il est grand temps que les richesses de ce pays profitent à ceux qui les produisent, ce qui inclut les étudiants.
Le salaire ne serait pas versé par le CROUS ou un autre organisme de l’État, mais par les caisses de cotisations sociales. Il nous parait normal que la retraite ne soit pas versée par l’ancien employeur mais par une caisse de retraite. La logique est la même ici, la branche étudiante formerait une branche de la Sécurité sociale parmi celles déjà existantes : la vieillesse, le chômage, la maladie, la famille etc. Ainsi, comme pour les retraites, ce n'est plus le patron qui décide de qui doit avoir un salaire, mais les salariés, à travers les caisses de cotisations.
- La loi Macron contre les étudiants
Dans l'actualité la plus brûlante, la question du salaire étudiant apparaît comme une solution incontournable. Présentée au Sénat au mois d'avril, la loi Macron ouvre des champs nouveaux aux revendications les plus extrémistes du Medef. La loi s'attaque à toutes les protections du travail : inspection du travail, médecine du travail, prud’hommes et droit du travail, institutions représentatives du personnel... Globalement, il sera plus difficile pour les travailleurs de dénoncer des pratiques illégales et de les sanctionner, et donc cela donnera une plus grande liberté d'exploiter aux patrons.
De plus, cette loi porte atteinte aux étudiants en précarisant davantage leurs conditions de travail. Elle nuit à leur réussite, à travers la banalisation du travail du dimanche et du travail de nuit. En effet aujourd’hui, 73% des étudiants se salarient en complément de leurs études, souvent avec des contrats précaires. Les domaines dans lesquels ils travaillent (animation, commerce, restauration...) recourent de manière massive au travail le dimanche, ainsi qu'au travail de nuit. Les femmes représentant plus de 70% des employés de commerce, les étudiantes sont particulièrement touchées par cette loi.
Aujourd’hui ceux-ci sont strictement encadrés par le Code du Travail. Tout travail après 20 h constitue des heures de nuits qui sont majorées et donnent lieu à des temps de repos compensateurs. De plus, un patron ne peut pas imposer à un salarié des heures de nuit au dernier moment, quelque soit son contrat de travail. L’accord du salarié est nécessaire, son refus ne peut justifier un licenciement. Pour le travail du dimanche, les salariés sont payés le double de leur salaire et sur la base de leur volontariat.
Avec la loi Macron, les heures de 20h à 24h deviendront des heures de soirées, qui ne sont soumises à aucune obligation de compensation, ni financière ni en repos. Tout employeur pourra solliciter ses salariés pour effectuer ces heures, toujours sur la base du « volontariat ».
Avec cette loi, les étudiants subiraient l’exclusion de la vie sociale, l’impossibilité de se préparer correctement à des examens, et la précarité financière malgré l’emploi. Les étudiants salariés sont donc en première ligne de cette atteinte directe au dimanche chômé. Première victime des contrats précaires, ils sont la main d’œuvre prédestinée des patrons du dimanche. Sans ou avec peu de qualifications, ils ont besoin de se salarier pour étudier. Peu importe leurs salaires et leurs conditions, ils choisiront de travailler la nuit ou les week-ends pour allier études et travail.
Avec un salaire étudiant rémunérant correctement notre formation nous n'aurions plus besoin d'avoir des jobs étudiants le dimanche ou la nuit, nous laissant ainsi toutes nos chances pour réviser, passer nos examens, choisir des stages etc.
II- Nos propositions spécifiques
- Pour des stages payés et de qualité !
L'Université change et évolue : loin d'être un simple lieu d'intellectuels regroupés pour réfléchir sur le monde, l'université se veut de plus en plus professionnalisante. Le monde du travail est partout et on compte aujourd'hui près de 75 % des étudiants qui effectueront un stage au cours de leurs études, contre près de 30 % il y a encore 4 ans.
Or la réglementation applicable à ces périodes de formation professionnelle précarise les étudiants et participe à la dévalorisation des diplômes. En effet le contenu des stages est souvent peu en lien avec la formation suivie par l’étudiant : on estime à 30% les stages « photocopie » (des travaux peu valorisants et utiles pour l’étudiant).
De plus l’étudiant contraint de faire un stage et qui ne dispose pas d’un réseau professionnel et familial propice a bien des difficultés à trouver un lieu d’accueil qui lui corresponde. Les étudiants se résignent donc parfois à accepter des propositions de stages uniquement pour acquérir une expérience professionnelle, faute de trouver un premier emploi. Certains s’inscrivent à l’université uniquement pour avoir accès à des conventions de stage.
Aussi, les stagiaires doivent accepter des conditions de travail plus difficiles que celles des salariés des organismes d’accueil : contre 31% de salariés qui travaillent de nuit, on en dénombre 35% chez les stagiaires par exemple, et pour un travail égal, la « gratification » du stagiaire (lorsqu’elle est due) est inférieure à celle d’un SMIC. Cette situation n’est pas pour déplaire aux patrons.
En effet, un stagiaire est en réalité une main d’œuvre bon marché, puisque gratuite en deçà de 2 mois de stages, et s’élevant à 508€ à partir du troisième mois. C’est ainsi 100 000 emplois qui sont perdus, les employeurs préférant substituer un stage à un CDD ou un CDI. Sans oublier que ces 500€ de gratification sont exonérées de charges sociales ! Pas de cotisation sociale, ni de CSG, CRDS... à payer en prenant un stagiaire. Un élément révélateur : le « droit du stage » ne relève pas de la réglementation contraignante du Code du travail, mas celui du Code de l’éducation...
La loi relative à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires a été adoptée le 26 juin 2014 par le Parlement. Ainsi la gratification est passée de 436€ à 508€ (et sera de 527€ en septembre 2015). Le stagiaire dispose désormais aussi de tickets restaurant et des remboursements de ses frais de transports. Ce sont certes des avancés, mais qui restent minimes.
Les entreprises disposent désormais d'un quota d''accueil de stagiaires de 10 % de la masse salariale, sous menace de devoir payer une amende de 2000€. Loin d'être une avancée, cette mesure n'est qu'un écran de fumé. Au-delà de la somme dérisoire pour une entreprise, comment faire respecter cette règle alors que les conventions n'ont aucun lien avec le droit du travail, et donc avec l'inspection du travail ? Seul le stagiaire peut donc dénoncer son entreprise mettant ainsi son stage et son avenir en danger...
Loin de ces demi-mesures, nous aspirons à des formations de qualité. Faisons des stages un point d’appui de nouvelles conquêtes sociales ! Pour assurer une protection efficace des stagiaires, nous proposons :
– d'unifier la réglementation des stages et celle des périodes de mise en situation en milieu professionnel (alternance, apprentissage...), afin que chaque période en entreprise soit protégée. Un seul type de convention garantirait aux stagiaires un véritable statut.
– L'inscription du stage dans le code du travail : Le stage est un moment où l'étudiant travaille, il est dans l'entreprise et produit de la richesse. C'est une aberration que ce laps de temps soit régi par le code de l'éducation et non celui du travail. Cela permet d'exploiter l'étudiant et d'oublier le droit du travail.
– octroyer aux stagiaires les mêmes droits que ceux des salariés : une rémunération correspondant au SMIC horaire, pour que soit enfin reconnu leur rôle dans l’appareil productif. De même, il faut prendre en compte les mois de stage dans le calcul des droits à la retraite, au-delà du simple rachat bonifié de ces périodes, prévu par le droit existant.
– donner une véritable place du stagiaire dans l'entreprise et lui permettre de se défendre en cas de litige, auprès des Délégués des personnels ou des syndicats. Trop de stagiaires arrêtent leurs formations à cause d'abus patronaux. Il faut permettre à l'étudiant de pouvoir se défendre sans mettre en danger sa formation et son avenir.
– renforcer le contrôle et le suivi pédagogique des stages. Cela permettra de replacer le stage dans sa fonction première : être une formation utile aux jeunes et au monde du travail.
- Pour les droits des étudiantes.
Les aides sociales auxquelles prétendent les étudiants sont insuffisantes pour leur permettre de vivre, qu'il s'agisse des bourses du Crous (pour 30% des étudiant(e)s seulement, dont une bonne partie à échelon 0) ou des APL. Les étudiantes sont particulièrement touchées, de par le salariat particulier qu'on leur impose (grande distribution, accueil...).
Compte tenu de cette plus grande précarité, les étudiantes sont encore plus dépendantes de leur famille ou de leur conjoint que ne le sont les étudiants pour poursuivre ou reprendre des études. De plus, le système des aides sociales et sa définition du "concubinage" prive bien souvent les femmes d'aides sociales garantes de leur indépendance matérielle parce que leur conjoint présumé, plus payé qu'elles et moins enclin à avoir des temps partiels imposés, est pris en compte dans le calcul des aides.
Le salaire étudiant que l'UEC propose permet concrètement l'indépendance de tous les étudiants. Dans le cas des étudiantes, il est d'autant plus nécessaire qu'il permettrait aux jeunes femmes de contrôler leur parcours de vie en s'autonomisant de la "tutelle" de leur famille ou de leur conjoint, et ainsi de pleinement choisir leurs études et de les réussir sans problèmes matériels.
De plus, il permet aux familles monoparentales (essentiellement composées de femmes) de financer les études des enfants sans mettre leur famille en difficulté financière. C'est aussi une avancée pour les futurs salaires et retraites des étudiantes actuelles. Les hommes perçoivent en moyenne, un salaire supérieur de 20 % à celui des femmes. Les femmes subissent plus les temps partiels et ont des carrières plus accidentées. Ces inégalités salariales et d'emploi ont des conséquences directes sur les pensions de retraite. Ainsi, 2/3 des retraités pauvres sont des femmes. Les hommes perçoivent des pensions de retraite 42% supérieures à celles de femmes.
Le salaire étudiant permettrait de répondre à ces enjeux, de contrer ces inégalités dans la mesure où il n'y aurait pas d'écart de salaire entre les hommes et les femmes qui pourront cotiser à la même hauteur et au même âge pour la retraite.
Le salaire étudiant est enfin un moyen de lutter contre la prostitution étudiante et les locations prétendument « mutuellement avantageuses » (sur des sites comme SeekingArrangement), qui sont des conséquences directes de la précarité des jeunes et notamment des jeunes femmes, obligées à se prostituer pour pouvoir étudier.
- Un salaire pour les étudiants étrangers
Aujourd'hui, dans nos facs, les étudiants français ont la chance de côtoyer 220 000 étudiants étrangers, dont 85% ne sont pas originaires de l'Union Européenne. Souvent actifs dans les associations de nos établissements, ces étudiants apportent une réelle richesse culturelle à la vie de nos campus.
Par leurs études, ils contribuent aussi largement au progrès des connaissances, comme en témoignent les 41% d'étudiants étrangers parmi les doctorants en France. Il serait logique, en conséquence, que le système universitaire français cherche à garantir les conditions de leur réussite.
Pourtant, force est de constater qu'ils ne sont même pas logés à la même enseigne que les étudiants français, lesquels vivent déjà souvent dans des conditions précaires. Le Décret du 6 septembre 2011 impose ainsi aux étrangers de disposer d'un montant minimum de 7000€ par an pour pouvoir étudier en France.
Dans le cas des programmes d'échanges de type Erasmus, les bourses accordées ne sont généralement pas à la hauteur du coût de la vie. Les étudiants étrangers qui ont réussi à passer à travers les filtres économiques sont donc en majorité obligés de se salarier, ce qui met en péril leur réussite à l'université. En outre, ils subissent des restrictions sur le nombre d'heures qu'ils ont le droit d'effectuer au travail. Tous ces facteurs les précarisent à l'extrême, les poussant au travail non déclaré et à l'endettement via les prêts étudiants.
Or, le travail des étudiants étrangers, à l'image de celui des étudiants français, dynamise la vie sociale et la recherche françaises. À ce titre, il mérite salaire. Ajoutons qu'une période d'études à l'étranger profite non seulement à l'étudiant qui la vit, mais également à l'activité culturelle et économique de son pays à court, moyen et long terme.
Par conséquent, nous exigeons en premier lieu l'abrogation du Décret du 6 septembre 2011. Nous insistons également sur le fait qu’il est urgent de repenser les systèmes d’aides sociales pour les étudiants étrangers. Le fait que beaucoup soient contraints de travailler au noir pour financer leurs études est absurde. Par conséquent, nous proposons également d’ouvrir le débat sur le salaire étudiant pour les étudiants étrangers.
Deux solutions sont ici proposées : dans un premier temps, un salaire étudiant qui compléterait des aides déjà perçues par l’étudiant par son pays d’origine. Par exemple, si un étudiant étranger correspond à une catégorie qui touche un salaire d’une valeur 100, et qu’il touche déjà des aides de 80, l’étudiant recevrait un salaire d’une valeur 20. La deuxième proposition à plus long terme serait celle d’une harmonisation vers le haut les systèmes d'aides au niveau européen, en travaillant à la mise en place d'un salaire étudiant européen.