Note explicative : Le Décret du 6 septembre 2011

Publié le 16 Février 2015

Note explicative : Le Décret du 6 septembre 2011

Note explicative du groupe de travail « étudiants étrangers » du Collectif national de l'UEC, février 2015 :
 

Le Décret du 6 septembre 2011

« Décret n° 2011-1049 du 6 septembre 2011 pris pour l’application de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, l’intégration et la nationalité et relatif aux titres de séjour. »
 

Introduction

Le décret du 6 septembre 2011 s''inscrivait dans la volonté du Ministère de l’Intérieur de faire baisser l’immigration en France. Il a été impulsé par le ministre Brice Hortefeux, pendant le gouvernement Fillon III. Le décret s’appuie sur un rapport de 2005 qui concluait que « les sommes demandées aux étudiants étaient insuffisantes par rapport au niveau de vie en France ».
 

Les mesures prévues par le décret

Le décret affirme que « l'étudiant doit prouver qu'il dispose de ressources suffisantes pour vivre et étudier en France » et aussi que « l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention « étudiant » doit en outre présenter [...] la justification qu'il dispose des moyens d'existence correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du gouvernement français. »

Suite au décret, chaque étudiant étranger doit justifier de 6.150€ par an (615€/mois pour 10 mois) sur un compte bancaire pour pouvoir constituer son dossier d’admission à l’université. Ce chiffre dépasse de 30% la situation d’avant 2011, quand les étrangers devaient justifier 430€/mois. Aussi, le montant imposé par le décret doit être justifié à travers une attestation qui montre que tous les mois l’étudiant va recevoir un virement de 615€ minimum sur 10 mois. Si l'étudiant possède un montant inférieur, son dossier est automatiquement rejeté. S'il a un montant supérieur, son acceptation est facilitée.

Le décret a des retombées sur la procédure de délivrance des visas. En effet, avant de délivrer le visa, l'ambassade appelle la banque ou l'agence immobilière pour s'assurer que les justificatifs de l’étudiant sont vrais. Pour le renouvellement du visa, il faut aussi montrer auprès de la préfecture d’avoir un job étudiant qui justifie d'une rentrée d'argent minimum de 615€/mois. La carte de séjour mention « étudiant » autorise à travailler 20h par semaine, qui correspondent environ à un salaire de 615€/mois. Les étudiants étrangers ne peuvent redoubler qu’une fois leur année ; au delà, ils peuvent se voir refuser le renouvellement du visa.

Aussi, le décret prend en compte la question du logement. En effet, les étudiants étrangers doivent faire une avance pour payer la réservation de leur hébergement (400€ environ), avant de pouvoir venir habiter en France. L'attestation de location est à joindre au dossier pour éviter son rejet automatique. Le traitement de dossier dure une semaine supplémentaire.
 

Analyse et propositions de l’UEC

Le décret du 6 septembre 2011 marque une nouvelle étape dans la politique de sélection sociale vis à vis des étudiants étrangers. Il empêche les étudiants issus des classes populaires à accéder aux études en France : si l'étudiant ou sa famille ne sont pas en mesure de fournir les 6.150€ de départ, le dossier d’inscription est rejeté. Aussi, concernant le logement, le décret a pour effet d’augmenter les coûts et les délais supplémentaires pour l’étudiant étranger.

Le décret a pour effet de dissuader les étudiants étrangers de candidater pour les universités françaises, en durcissant les conditions d'obtention du visa et en mettant en place un réel flicage quant aux justificatifs des moyens financiers.

Même si le dossier d’inscription est accepté, les conditions posées par le décret poussent les étudiants étrangers à se salarier : alors qu’ils sont exclu du système traditionnel des aides étudiants, les étrangers voient leur réussite et leurs conditions de vie se précariser à cause de l’obligation à trouver un job. Souvent pénalisés car ils se trouvent dans un pays dont ils ne maîtrisent pas forcément la langue, le décret les oblige à perdre leur temps et leurs énergies à la recherche d’un travail. Aussi, le décret ne met en place aucun dispositif pour les orienter et les aider dans la recherche du travail. Soumis à l’arbitrage patronal, les étudiants risquent de se retrouver licenciés du jour au lendemain et de ne plus pouvoir justifier des ressources financières requises : ils se retrouvent donc dans la situation de « sans-papiers » et ils ont le choix de quitter le territoire français tout en laissant leurs études incomplets, ou de les continuer dans l’illégalité (et de vivre la peur au ventre de subir une arrestation, d’être envoyés dans un centre de rétention et enfin d’être expulsés).

Aussi, les étudiants étrangers, grâce à leurs études et à cause de l’obligation de se salarier, contribuent au développement économique de la France, mais ils ne peuvent pas bénéficier des aides telles qu’Ursas, vieillesse, chômage, etc.

Pour s’opposer aux politiques discriminatoires vers les étudiants étrangers, dont le décret du 6 septembre 2011 représente l’apogée, l’UEC avance 3 propositions :

1) la mise en place d’un titre de séjour pluriannuel valable pour toute la durée des études et qui élargit le droit au redoublement et à la réorientation pour les étudiants étrangers (mêmes études, mêmes droits !). La carte étudiante doit correspondre à un titre de séjour pluriannuel.

2) L’inscription à l’université ne doit pas être soumise à des critères financiers mais pédagogiques. Pour mettre fin à la sélection sociale, le décret du 6 septembre 2011 doit être abrogé, et aussi tous les coûts supplémentaires qui sont imposés aux étrangers pour finaliser leur inscription à la fac. Des équipes pédagogiques doivent intégrer les services des préfectures pour que les renouvellements des visas prennent en compte l’avis de l’université.

3) L’extension des aides sociales aux étudiants étrangers : tout d’abord avec l’ouverture du système actuel des bourses, mais aussi avec la mise en place d’un salaire étudiant : avec leurs travaux, avec leurs études, les étrangers comme les français contribuent au progrès de notre pays, ils ont donc le même droit au salaire que nous revendiquons comme rémunération pour tout étudiant.
 

Annexe : un témoignage

Cheick est un étudiant sénégalais, il fait ses études à l’Université de Nanterre (il est actuellement en Master 1 en Science de l’Education). Il a le statut d'« étudiant étranger » et il est en France depuis 2 ans. A côté des études, il travaille 19,5 heures par semaine en contrat étudiant.

Il explique qu'au Sénégal, le système des bourses est différent du système français. La bourse ne s'obtient pas sur critère social mais au mérite. Au Sénégal il n'était pas boursier, car il abandonné les études.

Il explique qu'il veut redoubler son année pour avoir moins de matières à valider l'an prochain et pouvoir travailler plus à côté, car 615€/mois c'est pas suffisant pour régler toutes les factures et acheter de quoi se nourrir. « Ce qui est difficile c'est venir en France et renouveler le titre de séjour », il explique. « Sache que chaque étudiant étranger que tu vois ici a dépensé au moins 6.150 balles pour venir en France, sans compter les transports bien sûr. »

Il raconte l'histoire d'un de ses amis, un étudiant en M2 LEA, qui avait obtenu son diplôme sans redoubler et qui a voulu faire un changement de statut de « étudiant » à « travailleur » étranger. La loi dit que s'il a fait 2 ans d'études en France, il a le droit d'avoir la nationalité française s'il la demande. Ça relève d'une convention entre la France et le Sénégal. A partir du moment où il a trouvé un travail, le changement de statut devrait être automatique, mais ce n'est pas appliqué et sa demande lui a été refusée. Depuis, ça fait 5 ans qu'il est sans papiers : il est dans l'obligation de quitter le territoire français (OQTF) et de retourner au Sénégal.

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