Carrefour des luttes étudiantes en Europe : colère estudiantine en Italie

Publié le 29 Novembre 2010

Carrefour des luttes étudiantes en Europe : colère estudiantine en Italie

Article tiré du quotidien communiste « Liberazione », 26 novembre 2010

Traduction de WW (UEC STRASBOURG)

 

L'Université « brûle » : la protestation contre la réforme envahit les rues et les toits


L'Université riposte à la ministre Gelmini1 et à sa « réforme ». Les professeurs montent sur les toits en signe de protestation, les étudiants descendent dans la rue dans ces journées de vive révolte contre le gouvernement.

Aujourd'hui, des manifestations ont lieu dans toutes les villes italiennes. On donne des leçons dans la rue, des sit-in sont organisés. À Rome, des affrontements ont éclatés entre étudiants et policiers. Les jeunes ont tenté de briser le cordon de la police près du palais Grazioli2 pour arriver à la place du Montecitorio3 et ont été rejetés à coups de matraque. Cependant, une partie du sit-in formé par des étudiants universitaires et des Écoles secondaires occupe toujours la place du Montecitorio, avec l’intention de rester aussi longtemps que durera la discussion et le vote de la « réforme » Gelmini à l’Assemblée.« Plus de trente facultés sont occupées et partout dans le pays des lycées sont en autogestion. Si elle a encore un minimum de décence, la ministre Gelmini doit démissionner », demande Flavio Arzarello, secrétaire national de la Fgci4, l'organisation de jeunesse du Pdci5, en marge du sit-in à la place du Montecitorio, au cours duquel les jeunes de la Fgci ont déroulé du papier toilette. « Nous déroulons du papier toilette », explique Arzarello, « parce que dans nos écoles et nos universités on nous l’a rationné et surtout parce que nous en avons besoin pour nous dépêtrer de la situation dans laquelle Gelmini nous a mis. »

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 « À 17 h, toutes et tous sur la place Verdi, pour rejeter la réforme ! », c’est le rendez-vous lancé pour cet après-midi, à Bologne, par les étudiants de la faculté des Arts plastiques, qui rencontre l'adhésion immédiate des camarades occupant depuis la nuit dernière la faculté de Littérature et de Philosophie, tandis que la place Verdi, ce matin, constitue le théâtre pour des leçons dans la rue des professeurs. À Bologne aussi, donc, la protestation contre la « réforme » Gelmini, en discussion au Parlement, se concrétise. A près l’assemblée générale et la petite fête de la nuit dernière, la faculté des Lettres vit aujourd’hui sa première journée d’occupation. Les salles du premier étage s ont fermées, tandis que l'escalier menant aux étages supérieurs a été barricadé. « L’enseignement est bloqué », dit Niccolò au nom des occupants, « pour donner un signal fort et provoquer une prise de conscience des étudiants ». Est également fermée la bibliothèque « Felice Battaglia » ; un panneau sur la porte dit : « Contre la réforme Gelmini, les bibliothécaires sont solidaires avec les étudiants », à côté il y a un poème de Maïakovski6. « D’autres étudiants vont aller dans les autres facultés pour arrêter les cours pour le moment », explique Niccolò, « et diffuseront les raisons de la protestation. À 16 h, il y aura une table de discussion avec les enseignants et les chercheurs, à 19 h, une assemblée générale. L'intention de poursuivre l'occupation ce soir et demain soir est déjà officielle ». « Nous sommes sur le toit de la faculté d’Architecture à Rome, nous sommes aux côtés des jeunes qui occupent la place du Montecitorio, nous sommes avec les étudiants, les scientifiques et les chercheurs, avec les fragilisés et précaires, dans toutes les luttes qui sont en cours en Italie contre cette réforme dévastatrice de l'Université », affirment Giovanni Russo Spena, responsable national de la Justice au Prc7, et Eleonora Forenza, responsable des Écoles et les Universités au Prc.

« Nous risquons la destruction et la poursuite de la privatisation de la recherche, l'annulation du droit à l’Éducation, la fin de ce qui reste de l'Université publique. Il y a eu des incidents devant la Chambre des Députés, en raison notamment de l’intempérance de la part de la police, qui avait apparemment des instructions claires, et il a été arrêté un jeune, dont nous demandons la libération immédiate », conclut Russo Spena.« Je crois que l’on peut évaluer le niveau d'indignation dans le pays en regardant le portail d'entrée du palazzo Madama8, éclaboussé par les jets d’oeufs. Un fait sans précédent. Nous sommes presque au point de non retour », commente Ignazio Marino, sénateur social-démocrate. Marino met en valeur les mots du Président de la République Napolitano sur la Culture et l'École, qui sont « sabordées par un gouvernement en faillite qui n'arrive pas à comprendre que le pays n'accepte pas que l’École, l’Université et la recherche seront détruites ».

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« Que doit-il arriver de plus ? », demande le sénateur, et rappelle qu’« aucune université italienne est dans le top 200 du monde ». Donc, la « réforme » de l'Université pourrait être empêchée. Même les partisans de Fini9 semblent prêts à ne pas voter le texte ; ils seraient déçus par le recul du gouvernement sur un certain nombre d'amendements proposés de leur part, et sur lesquels il y a avait eu accord. Les irritations sont montées d’un cran après que le Premier Ministre Berlusconi a demandé à Fini de démissionner comme Président de l’Assemblée.

Si le projet de loi pour la « réforme » universitaire est voté en Assemblée, les étudiants bloqueront tout le pays : c’est ce que annonce dans un communiqué le syndicat d’étudiants « Union des universitaires », selon lequel toutes les forces politiques représentées au Parlement « doivent être conscientes du fait que ce ne sont pas les pourcentages des prochaines élections qui sont en jeu, mais l'avenir du pays ».« L’occupation de la place du Montecitorio et du toit de la faculté d’Architecture, des universités et des lycées que nous voyons actuellement », continue le communiqué de l’organisation étudiante, « ne sont que les plus récentes manifestations d’une longue série de protestations, commencée l'année dernière lors du débat de la « réforme » au Sénat. En ce moment, plus de 50 facultés sont en mouvement, de Pavie et Turin jusqu’à Palerme, et nous n’avons pas l’intention des nous arrêter, nous sommes prêts à intensifier la lutte, si le gouvernement continuera d'être sourd aux revendications qui sont exprimées par le monde universitaire. »9



NOTES :
 

1 Mariastella Gelmini, née en 1973, Ministre de l'Instruction publique depuis 2008.

2 Le palais Grazioli est la résidence romaine du Président du Conseil des Ministres, Silvio Berlusconi.

3 Sur la place di Montecitorio se trouve la Chambre des Députés.

4 Federazione giovanile comunista italiana — Fédération de la jeunesse communiste italienne.

5 Partito dei comunisti italiani — Parti des communistes italiens.
6 Vladimir Vladimirovitch Maïakovski, 1893-1930, poète russe, chantre de la Révolution d’Octobre et de l’Union soviétique naissante.

7 Partito della rifondazione comunista — Parti de la refondation communiste.

8 Le palais Madame est le siège du Sénat de la République italienne
9 Gianfranco Fini, Président de la Chambre des Députés, ancien président du parti néo-fasciste « alliance nationale », fondateur du mouvement « futur et liberté pour l’Italie » qui est sorti du gouvernement Berlusconi début novembre 2010 et entré en opposition.

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