Effets désastreux du Hartz 4 sur la jeunesse allemande !

Publié le 18 Juillet 2011

Effets désastreux du Hartz 4 sur la jeunesse allemande !

Souvent présentés par les média dominants comme un exemple pour "l'Europe", nous vous livrons un article témoignant de la précarité réelle qui règne sur la jeunesse allemande. Précarité construite, de concert, par la social-démocratie sous l'impulsion notamment du chancelier Schroeder  puis  reprise par les conservateurs d'Angela Merkel...

En effet, entre 2003 et 2005, l'ancien chancelier; désormais administrateur d'une multinationale russe (sic!), a promu une série de  mesures contre les chômeurs au grand bénéfice du patronat . "Les lois Hartz" (du nom de l'ancien directeur de l'usine Wolskwagen) permettent entre autres, d'embaucher un travailleur pour un salaire d'un € de l'heure,  de réduire la durée des indeminités pour les privés de travail de longue durée en portant l'allocation chômage équivalent au RSA de chez nous...

C'est peut-être ce que les sociaux démocrates appellent  "l'économie sociale de marché" ? Ca fait rêver...

Du Hartz IV au RSA, des deux rives du Rhin, face à la précarité, les jeunesses françaises et allemandes en choeur crient : Résistances ! Widerstand !



Les Effets des « Réformes Hartz »

Témoignage d'un jeune travailleur sur le site de la Jeunesse ouvrière socialiste de l’Allemagne (SDAJ) : http://www.sdaj-netz.de/2011/07/wie-hartz-iv-wirkt/

Trad. WW (UEC Strasbourg)"
 

En vertu de la baisse apparente du taux de chômage, la bourgeoisie se croit légitimée de qualifier de grand succès la contre-réforme du marché de travail dite « Lois Hartz ». Mais dans la réalité, quelles sont les séquelles néfastes des Lois Hartz, qu'est-ce qu'elles font de nous ?

Une grande salle avec des ordinateurs ; beaucoup d'autres comme moi, surtout des jeunes. Je suis l'un des rares à avoir fait des études. La plupart des gens ici sont à la recherche d'une place d'apprenti, ont dû abandonner leur apprentissage ou n'ont pas été pris après l'avoir terminé, par exemplecomme cuisinier ou de commercial. Malgré notre diversité, nous avons tous une chose en commun : nous touchons les prétendues « allocations de subsistance », autrement dit le « Arbeitslosengeld II » ou « Hartz IV ». Certains d'entre nous ont de l'expérience professionnelle, d'autres vont bientôt trouver du travail ou tout au moins un emploi temporaire, alors que d'autres d'entre nous n'aurons jamais l'heur de décrocher davantage qu'un de ces fameux « jobs à un euro ». Pour le moment, nous sommes tous des « Hartziens » comme ils nous appellent ici ; il est lundi matin, huit heures et demie, en octobre de l'année dernière. L'automne est la saison des séminaires de formation Hartz.

 

Les Effets de Hartz

Avant de nous coller devant les ordinateur, pour fignoler nos demandes d'emploi et chercher des postes sur Internet, il y a la grande assemblée d'ouverture. Ici, nous nous annonçons mutuellement que personne d'entre nous n'a trouvé d'emploi convenable. Cette expérience, que nous devons subir quatre heures, quatre fois par semaine, est très déprimante. « Qu'en est-il des agences d'intérim », demande M. Abruti* à la ronde. Il dirige notre séminaire. Il reconnaît que les conditions de travail sont infâmes et les salaires infimes, il se dit « socialement critique », mais cela ne l'empêche pas de considérer le travail d'intérim dans les grandes sociétés comme une chance pour nous « d'y décrocher, un beau jour, un emploi stable ». Je suis surpris qu'il ne rougit pas (au visage). Parce que il connaît parfaitement les statistiques officielles de l'Agence fédérale pour l'emploi, d'après quoi les chances d'obtenir un CDI après un job en intérim se situaient, même avant la crise, à seulement quinze pour cent. Maintenant que les grandes entreprises utilisent la crise comme prétexte pour « alléger » leur personnel fixe, la probabilité de se voir attribuer un emploi stable après un job d'intérim est encore plus faible. Mais la plupart des camarades ici présents qui n'ont pas trouvé de place d'apprentissage ou d'emploi après l'apprentissage se montrent intéressés. Par crainte de devoir s'en sortir pour toujours, en tant que Hartziens, avec 345 € par mois, ils sont prêts à accepter du mauvais travail à des bas salaires.


Bon débarras

Mais ce n'est pas seulement le manque d'argent (« trop peu pour vivre, trop pour mourir ») qui rend la vie de Hartzien tellement pénible. « J'en ai marre de me faire bousculer par eux », me confie Frank sa souffrance, durant une pause où nous sommes autorisés à quitter la salle informatique pour sept minutes. « Toujours, il faut se laisser faire, c'est sapant. » Franck a déjà travaillé pendant deux années dans une agence de voyages et est habitué à être indépendant. Qu'il faille maintenant pour chaque broutille la permission de l'agent en charge de son dossier, par exemple s'il veut quitter quelques jours la ville pour rendre visite à sa compagne, lui pèse beaucoup. Il envisage même de travailler à son propre compte. « Peut-être en tant que professeur de batterie », dit-il. « L'essentiel, c'est de me débarrasser d'eux. » Franck ferait n'importe quoi pour échapper au régime Hartz IV.


Pas de boulot, pas de reconnaissance

« Salut les Hartziens », dit Suzanne qui se joint à nous au coin fumeur. Franck rentre dans la salle. Il n'aime pas Suzanne, parce « qu'elle parle sans arrêt de son gosse. » Suzanne est une mère très jeune. Après l'école, elle a trouvé une place d'apprentissage et a fait différents petits boulots, comme serveuse ou femme de ménage. Bien qu'elle soit encore jeune, elle s'est déjà résignée à son sort de chômeuse, paraît-il. « J'aurais envie de travailler, mais je ne vais sans doute jamais trouver quelque chose », dit-elle. Elle sait qu'elle a beau faire des efforts, la plupart des emplois proposés ne sont pas acceptables pour elle. Même si elles pouvait trouver une place dans une crèche pour son enfant durant la journée, elle ne serait pas, en tant que mère célibataire, suffisamment « flexible » pour la plupart des patrons, en ce qui concerne la durée hebdomadaire de travail et les heures supplémentaires. Contrairement à celles et ceux qui veulent « travailler à tout prix » comme Franck, Suzanne fait partie de celles qui restent plutôt peu impressionnées par les chicanes et semble s'arranger avec le peu d'argent. « Pour rester en contact avec la normalité, ils choisissent des rôles et modes de vie plutôt traditionnels mais socialement reconnus », affirme une étude sociologique sur les « bénéficiaires » de Hartz IV. Ces « non-travailleurs » comme Suzanne se sont éloignés de la perspective d'un emploi rémunéré, suite à des « expériences frustrantes causées par un chômage persistant et le manque d'expérience professionnelle. » Dans le cas de Suzanne, il ne reste que son rôle de mère au foyer pour lui faire oublier sa situation désespérée. Dans ce rôle, elle cherche à exceller afin d'obtenir cette reconnaissance de la société qui lui est interdite par le manque d'emploi.


Faire semblant

De retour dans la salle informatique, il y entre un Hartzien un peu plus âgé (mi-trentaine) qui commence à regarder impassiblement les offres d'emplois sur Internet. Tôt le matin, je l'ai déjà rencontré plusieurs fois en ville durant la semaine, quand je me rendais au séminaire. Or je ne l'ai jamais vu ici. Les agents qui dirigent le séminaire semblent le connaître et le saluent familièrement. Franck, qui est ici depuis plus longtemps, me fait savoir que cela fait déjà un bon moment que le camarade a purgé ses heures obligées, mais qu'il vient maintenant parfois « juste comme ça ». « Pauvre type, récemment il a même postulé pour un job à un euro ; volontairement ! » Dans l'étude précitée, le camarde serait qualifié de « travailleur qui fait semblant » : du fait d'un chômage prolongé et de nombreuses frustrations, ils sont reconnaissants pour toute occasion de faire croire à leurs proches qu'ils ont une activité rémunérée régulière, même si c'est seulement un job à un euro.


À qui profite le crime ?

Pendant les huit semaines que j'ai dû passer ici, je n'ai trouvé, bien évidemment, aucun emploi. Mais j'ai pu constater que la plupart de mes camarades ont progressivement renoncé à leurs exigences, par exemple une profession qualifiée dans le métier appris. C'est précisément l'effet de Hartz IV. Ce que signifie « plus de responsabilité », l'Institut allemand de recherches économiques l'a expliqué il y a déjà deux ans : « La barre des salaires que les chômeurs acceptent encore a considérablement baissée. » Déjà en 2005, première année des contre-réformes Hartz, près d'une entreprise sur trois avait déclaré que les candidats étaient plus disposés à accepter un emploi sous leurs propres qualifications ainsi que de faire des compromis concernant le niveau du salaire. Bien sûr, cela n'est pas sans conséquences aussi pour celles et ceux qui ont du travail.

Ici, j'ai mieux compris pourquoi il est si important de lutter pour notre droit d'être formés et de travailler, et ce dans des bonnes conditions. À long terme, cela ne vas pas être possible sans que nous rompions non seulement avec Hartz IV, mais avec le système capitaliste tout court !


* Tous les noms modifiés par la rédaction


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Thomas, Offenbach

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